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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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ville, une famille d’immigrants installée dans une
maison isolée au milieu des orangeries fut prise à partie par des paysans
arabes. Quand les Palestiniens quittèrent les lieux, six cadavres jonchaient le
sol. Une heure plus tard, au pied de la
porte de la Miséricorde, un jeune ingénieur, originaire Riga, fut retrouvé la
tête traversée d'une balle.
    Dans toute la Palestine, un ouragan de feu et de sang s'était mis à
souffler. Et cette terre qui, il y a peu encore, semblait proche du paradis,
venait de s'affubler d'un masque haineux et grimaçant.
     
     
    *
     
     
    Haïfa, 6 mai 1921
     
     
    Cloîtrée dans leur maison, la famille Shahid était réunie autour de la
table pour le déjeuner. On avait fermé les portes à double tour, muré les
fenêtres et Hussein – geste inimaginable – avait récupéré un vieux fusil, un
Lebel, dont on se demandait quand et comment il avait atterri là. De toute
façon, l'arme paraissait tellement rouillée qu'on pouvait douter de son
efficacité.
    – Baba, c huchota Samia, pourquoi les gens se battent ?
    – Parce qu'ils ont perdu la raison, ma fille.
    – Mais qui a commencé ? questionna Soliman. Les Juifs ou nous ?
    – Quelle importance ! soupira sa mère. Eux, nous, les morts font-ils
la différence ?
    Hussein avala une bouchée de fèves.
    – C'est à Tel-Aviv que l'affaire a éclaté. D'après les voisins, un parti
ouvrier juif aurait organisé un cortège à l'occasion du 1 er mai. La manifestation se déroulait dans le calme, jusqu'au mo ment où une poignée d 'extrémistes,
enfreignant l 'accord singé avec les Anglais stipulant que le cortège ne devait en aucun cas sortir des
limites du quartier juif, ce groupe a pénétré, brandissant des drapeaux rouges et des symboles
commu nistes dans les rues où vivent de nombreux Arabes.
    Hussein leva les yeux au
ciel.
    – L'intrusion de ces énergumènes criards, composés exclu sivement d'immigrés de récente date, ignorants de la langue arabe, a créé chez les Palestiniens un mouvement d 'affolement. Semblables à des loups affamés, ils se sont jetés sur les manifes tants. En intervenant, la
police n'a fait qu 'aggraver la situation. Les
agents, pour la plupart des chrétiens et des
musulmans, trop heureux sans doute de créer l'incident dont les Juifs ne pouvaient que pâtir, se sont
mis à tirer des coups de feu. C'est ainsi
que tout aurait commencé.
    Il conclut, la voix rauque :
    – Pourvu qu 'il ne soit
rien arrivé à Josef.
    – C'est vrai ! s'inquiéta Samia. M.  Marcus vit toujours à
Degania avec sa fille, n'est-ce pas ?
    Il opina.
    – Quand donc
cette histoire s'arrêtera-t-elle ? gémit Nadia. Il y a encore quelque
temps, nous vivions en paix.
    – Je crains malheureusement que la situation ne s'aggrave.
    Hélas, il ne se trompait pas.
    Le lendemain
matin, à l'aube, des fellahs, armés de fusils, de sabres, de piques, de bâtons
s'élancèrent contre la colonie de Petah Tikvah [73] au nord-est de
Tel-Aviv. Le lieu avait été fondé par une soixantaine de pionniers venus
d'Europe centrale, à l'instigation d'un dénommé Stampfer, émigré hongrois,
débarqué en Palestine quelque quarante ans auparavant et qui, toute sa vie
durant, avait rêvé de voir renaître Eretz Yisrael , la Terre d'Israël dans son intégrité, telle que Dieu l'avait promise à son
peuple.
    Cette fois les
colons résistèrent et réussirent à mettre en fuite leurs assaillants. Mais le
prix fut lourd : quatre colons morts, douze
blessés. À Hedera, à Rehovoth, en Galilée, la région sombrait dans le feu et le
sang.
    Jérusalem n'était pas épargnée. Une simple querelle entre deux gamins
avait déclenché un mouvement de terreur irraisonné. En quelques instants, on
vit des gens courir dans tous les sens, des boutiquiers abandonner leurs
magasins sans prendre la peine de les fermer. Il fallut que des crieurs publics
vinssent rassurer la population.
    Dieu merci, la démence n'avait pas gagné tous les Arabes. C'est ainsi qu'à
Ramlh les trois ou quatre familles juives de la ville furent sauvées grâce à la
protection d'amis musulmans qui plaidèrent leur cause.
    À l'inverse, à Naplouse, les Palestiniens exigèrent des cent quarante
familles de Samaritains [74] qui vivaient dans la région depuis des centaines d'années qu'ils quittent
la ville, menaçant de les massacrer s'ils tentaient de résister.
    Hussein Shahid se leva de table et se rendit sur la terrasse. Le soleil
déclinait lentement,

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