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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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lui avons clairement expliqué que nous
étions d'accord pour faire acte d'allégeance envers lui, mais en tant que roi
d'un Irak indépendant, libéré de tout lien avec l'étranger.
    – Et
qu'a-t-il répondu ?
    – Il a
pris un Coran qu'il a placé entre lui et nous et s'est engagé solennellement à
respecter son serment. Il a même ajouté que, si la tâche se révélait
impossible, il abandonnerait toute fonction. J'ai confiance.
    – Père, ne
soyons pas dupes, si les Anglais l'ont choisi, c'est pour qu'il serve leurs
intérêts. Il est leur créature, leur agent, leur obligé. (Il rappela d'un air
sombre :) N'est ce pas toi qui m'as dit un jour : « Jamais un
peuple ne doit croire en celui qui le gouverne, si celui qui le gouverne n'a
pas été légitimé par le peuple ? »

 
     
     
     
17
     
     
     
     
    L’avenir n’est lus ce
qu’il était.
     
    Paul Valéry
     
     
    Jaffa, le 5 mai 1921
     
     
    — Mort aux Juifs ! Mort aux Juifs !
    Le soleil rougeoyait au-dessus du port.
    Une cinquantaine d'hommes, le crâne couvert par des keffiehs, visage plein
de colère, armés de pelles, de gourdins, d'armes à feu, dévalaient la rue au
bout de laquelle se dressait la tour de l'horloge, vestige de l'ancienne
présence ottomane.
    De toutes parts, des dizaines de Palestiniens sortaient de chez eux en
vociférant : « Musulmans, défendez-vous ! Défendez-vous !
Les Juifs tuent vos femmes ! »
    Un couple de passants affolé se jeta dans un angle de la rue. L'un des
Palestiniens, qui tenait un revolver, arriva à leur hauteur et cracha au
sol :
    – Yahoudi, ibn kalb  ! Juif, fils de chien !
    Il brandit son arme. Visa calmement la tête de l'homme. Le crâne explosa.
L'Arabe visa une nouvelle fois. La femme sur le corps de son compagnon.
    Les Juifs témoins de la scène se lancèrent alors dans une fuite éperdue.
Trop tard. Un autre groupe d'émeutiers arrivait en sens inverse. Craquements
d'os, crânes fracassés, hurlements d’effroi…
    À quelques mètres, un rabbin se laissa tomber sur le sol et attendit la
mort en récitant d’une voix forte le Chémâ Israël [72] . Dans sa mémoire fusèrent presque instantanément les images terrifiantes
des pogroms de Kichinev, de Jitomir et de Bialystock, en Russie. À cette époque
– c'était il y a moins de vingt ans –, le meurtre d'un jeune chrétien avait mis
le feu aux poudres et les Juifs avaient été accusés de crime rituel. Le dernier
souvenir du rabbin se figea. Un coup de pelle lui avait brisé la nuque.
    Dans le
quartier de Nevi Chalom, le vol et la mise à sac des boutiques juives se
poursuivaient. Une maison aménagée pour accueillir à leur arrivée les nouveaux
immigrants, située entre la banque ottomane et l’hôpital français, venait
d'être encerclée. Cent cinquante personnes, hommes, femmes, enfants, se
trouvaient à l'intérieur.
    Une heure de
l'après-midi sonna à l'horloge de la tour ottomane. Les Arabes lancèrent des
pierres sur la façade de la maison.
    – La
police ! hurla une jeune fille qui tremblait de tous ses membres, tapie
derrière une persienne. La police arrive !
    Dans un
crissement de pneus, une brigade venait de faire irruption, matraque au poing.
    – Nous sommes
sauvés, soupira une voix d'homme.
    – Mais que
font-ils ? cria la jeune fille soudain livide. C'est... ce n'est pas
possible. C'est à nous que la police en veut ?
    Contre toute
attente, au lieu de refouler les Arabes, les agents attaquaient la porte
d’entrée à coups de crosse. Le battant se brisa. Des hommes armés s’engouffrèrent
dans la maison, entraînant dans leur sillage le flot de Palestiniens en furie.
En quelques minutes, les chambres furent mises à sac. Mobilier, vaisselle, tout
fut saccagé. Lorsque les agresseurs se retirèrent, la cour de la maison et les
chambres du rez-de-chaussée baignaient dans le sang.
    À la nuit
tombée, on compta onze juifs tués et vingt-cinq blessés. Ces derniers,
transportés à l’hôpital français Saint-Louis, furent soignés avec un admirable
dévouement par les sœurs, alors que le consul de France, M. Durieux, se
démenait auprès des autorités anglaises pour qu’elles mettent fin à la
tragédie. En vain. Plus tard, il devait se dire que, tout compte fait,
l’attitude des agents de sécurité britanniques avait été pour le moins ambiguë.
    Sur la route de
Jérusalem se déroulaient les mêmes scènes d’horreur. À quelques centaines de
mètres de l’entrée de la

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