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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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recommençait.
    À sa gauche, le Syrien Hachem el-Atassi paraissait ailleurs.
Indiscutablement, l'éphémère Premier ministre de Fayçal avait de l'allure.
Visage allongé, traits fins, bouc et moustache blanche, il aurait pu passer pour un aristocrate
français du XIXe siècle. Le
comble pour un homme qui n 'aspirait qu'à mettre la France à la porte de son pays. À l'image de
nombreux nationalistes, il était entré en résistance au sein d'un groupe appelé
El-wataniyyoun, les « Patriotes », dont la plupart des membres,
influencés par les idées européennes, rêvaient d'instituer dans la région un
État unitaire, multiconfessionnel, démocratique et indépendant.
    Près d'El-Atassi avait pris place celui qui fut son ministre – éphémère,
lui aussi –, des Affaires étrangères, le docteur Shahbandar.
    Un domestique servit le café turc. Et la salle s'emplit de senteurs de
cardamome.
    Latif el-Wakil commença par saluer ses hôtes avec respect et dans un
langage fleuri dont seul un Oriental eût été capable. Ensuite, il résuma avec
une clarté suscitant l'admiration de Mourad la situation des trois pays
représentés – l'Irak, l'Égypte et la Syrie – et conclut en évoquant le devenir
de sa terre natale, la Palestine. À peine son exposé achevé, la voix de
l'Irakien Rachid el-Keylani s'éleva. Depuis qu'il avait occupé la fonction de
secrétaire de son oncle, toujours Premier ministre du roi Fayçal, l'homme paraissait
assagi. Le jeune loup impétueux avait cédé la place à un personnage posé, de
plus en plus politisé et donc de moins en moins spontané ; à moins que
l'approche de la trentaine fût seule responsable de cette métamorphose.
    Il énonça d'une voix sombre :
    – Mes frères, souvenez-vous des paroles désabusées de l'émir Hussein ibn
Ali, le chérif de La Mecque s'adressant aux cheikhs bédouins : « J'ai
écouté l'Anglais sans foi, je me suis laissé tenter et abuser. J'ai contribué à
maintenir son empire. Grâce à nous, la route des Indes est restée ouverte, tout
au long de la guerre. Grâce à nous, l'Orient tout entier a abandonné la cause
turque. Hélas ! Je croyais travailler à la grandeur et à l'unité de
l'Islam, alors que je travaillais à la gloire de l'Angleterre. »
    Il se tut et leva un index menaçant :
    – Ô Prophète, lutte contre les mécréants et les hypocrites, et sois rude
avec eux ; l'Enfer sera leur refuge !
    Une saute de vent soudaine fit frémir la maison flottante.
    Mourad s'imagina qu'il s'agissait peut-être d'un signe d'Allah.
     
     
    *
     
     
    Haïfa, 1 er juin 1921
     
     
    Herbert Samuel, le haut-commissaire pour la Palestine, portait beau sa
cinquantaine.
    Après de brillantes études au célèbre Balliol Collège d'Oxford,
l'homme, se découvrant une passion pour la politique, s'y était engagé dans le
camp des conservateurs. Elu membre du Parlement, promu successivement
sous-secrétaire et secrétaire d'État au Home Office, il avait manqué se
retrouver derrière les barreaux, accusé de corruption.
    Aujourd'hui, il devait affronter une tout autre forme
d'accusation : sa partialité à l'égard de la communauté sioniste. Comment
imaginer que les sympathies du haut-commissaire pussent se porter ailleurs que
vers ses coreligionnaires ? N'avait-il pas adhéré au Congrès sioniste
d'Angleterre ? Usé de son influence auprès du gouvernement britannique
pour qu'il favorise l'immigration des Juifs en Palestine ? N'avait-il pas été le soutien inconditionnel du docteur Weizmann alors que celui-ci
tentait d'arracher au gouvernement de Sa Majesté la rameuse Déclaration
Balfour ? Seulement voilà. Aujourd'hui, face aux émeutes et à la fureur
montante des Palestiniens, la sagesse imposait aux Anglais que l'on calmât le
jeu. C'est ainsi qu'en ce matin de juin 1921 on pouvait lire dans la
quasi-totalité des journaux diffusés en Palestine le texte suivant :
     
    «  Je suis désolé de constater que
la bonne harmonie, que j'avais le plus ardent désir de voir régner entre les
adeptes des diverses religions et les différentes races de Palestine n'a pas
encore été réalisée. Avant tout, je tiens à rappeler une fois de plus le
déplorable malentendu auquel a donné lieu la phrase de la Déclaration
Balfour : "Création en Palestine d'un Foyer national pour le peuple
juif." J'entends dire que la population arabe de la Palestine n'acceptera
jamais que son pays, ses Lieux saints, ses terres lui soient

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