Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
de convertir les deux autres religions au christianisme. Vraiment,
quelque chose ne tournait pas
rond dans la tête du monde. Privé de réaction, il s'était contenté
d'emprisonner les fesses de Heidi et, l'attirant contre lui, il avait
chuchoté : « Viens. »
    – À quoi rêves-tu ?
    Arraché à ses pensées, Soliman pivota vers Mourad.
    – Je ne rêve pas. Je travaille.
    – Tu travailles ? En fixant le paysage, assis sur
le perron ?
    – Quand un poète
réfléchit, figure-toi qu'il travaille. Tu ne peux pas comprendre ; surtout
depuis ton retour d'Égypte et maintenant que tu es devenu un homme d'affaires.
    Il avait prononcé ces derniers mots en y mettant une
pointe d'ironie.
    Mourad haussa les épaules. Voilà bientôt trois ans que,
son diplôme de droit en poche, il était revenu vivre à Haïfa avec Mona et leur
fils Karim. Ils s'étaient installés dans une maison que Mourad avait tenu à
acheter avec ses propres deniers, non loin de la demeure familiale. Comme il
fallait s'y attendre, le départ du Caire ne s'était pas fait sans douleurs.
Amira Loutfi avait versé des torrents de larmes en apprenant que sa fille
adorée, sa petite (vingt-deux ans tout de même) acceptait de suivre son époux
en Palestine, et Mona sanglotait tout autant à l'idée de se séparer pour la
première fois de ses parents, de sa terre natale et de la ferme de Tantah, son
paradis.
    Farid Loutfi bey avait tout tenté pour retenir son
gendre en Égypte. Il serait président-directeur général de la Hosni Cotton Trading Co.
Ltd. Il lui offrirait une
Wolseley, le dernier modèle, une villa à Alexandrie. Mourad n'avait pas
flanché.
    – Non. Ma décision est prise depuis longtemps. Je me
dois de retourner là-bas.
    Alors, la mort dans l'âme, son beau-père s'était résigné
et, allez savoir pourquoi, avait offert à son gendre cinq costumes et autant de chemises du
meilleur faiseur, ainsi qu'une douzaine de cravates. Quant à Amira Loutfi, elle avait glissé dans sa valise un flacon
d'Eau de Cologne impériale Jean-Marie Farina. Comme Mourad s'étonnait de ce
choix, Amira lui avait soufflé à l'oreille : « C'est l'eau de Cologne
que Loutfi met depuis des années. Ainsi, quand tu t'en parfumeras, Mona aura
l'impression d'être dans les bras de son papa. » Mourad avait trouvé
l'explication pour le moins singulière, mais s'était gardé de la discuter.
    En embarquant à Alexandrie, un matin de septembre 1922, il n’avait pu
s'empêcher d'éprouver un petit serrement de cœur. La Palestine était son pays,
mais il s'était attaché à l’ Égypte, à
ases habitants, et fait siennes leurs aspirations. Au cours de ces trois dernières
années, peu de choses avaient
vraiment changé, si ce n'est que, sous la pression de la rue et des
manifestations quotidiennes, l'Angleterre avait fini par renoncer au protectorat
imposé à l'Égypte, tout en se réservant le droit de contrôler quatre de ses artères : ses lignes de communication
avec l'Empire, la défense militaire du pays, la protection des étrangers et des
minorités et le contrôle intégral du Soudan, pourtant partie de
l'Égypte. En termes clairs, comme on les pratiquait chez El-Fishawi, le grand
café du Khan Khalîl, le pays restait occupé par les troupes britanniques et le
haut-commissariat, nommé depuis peu premier vicomte d'Allenby de Megiddo et de
Felixstowe, continuait de détenir plus de pouvoir que le sultan Fouad. Un
sultan Fouad qui, depuis le 13 mars 1922, avait troqué son titre contre celui
de roi. Belle promotion ! Trois ans et dix-sept jours plus tard, le 30
mars 1925, lassés de subir des émeutes, Allenby avait décidé de libérer
Zaghloul et l'autoriser à rentrer en Égypte. Entre-temps, on avait transféré le
pauvre homme des Seychelles à Gibraltar ou – selon les médecins compassionnés
de Sa Majesté – le climat était plus propice à sa santé déclinante. Dès que la
nouvelle de son retour fut connue, une explosion de liesse secoua le pays. À
l'exaspération des Anglais, même les trains qui revenaient d'Assouan arboraient
de petits drapeaux verts frappés d'un croissant blanc aux trois étoiles,
emblème du Wafd, le parti du nationaliste.
    Il n'en demeurait pas moins que les Anglais continuaient
d'occuper l'Égypte et ne semblaient pas décidés à la quitter de sitôt.
    Comme disait Taymour, on ne pouvait qu’espérer que les
prostituées outrageusement peintes de la rue Clot-bey contaminassent leurs
clients

Weitere Kostenlose Bücher