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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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années pour te perdre.
    Abd el-Kader
la serra tendrement contre lui. Elle parut menue tout à coup. Pourtant le
Palestinien était à peine plus grand de taille qu’elle. Avec son visage rond,
plein de vie, animé par une fine moustache noire, il semblait si jeune, si
vulnérable aussi.
    – L'opération
est-elle toujours prévue pour demain soir à Kfar Sofer ? s'enquit Soliman.
    – Oui, confirma
Latif.
    – Alors,
laissez-moi me joindre à vous !
    Tous les
regards convergèrent vers Soliman.
    – As-tu
perdu la tête ? s'exclama Mourad, incrédule.
    – Je veux y
aller !
    –
Toi ? Toi, l'âme rêveuse ? Le poète ?
    – Oui. On change,
vois-tu.
    – Mon
pauvre ami, ironisa Mourad, tu n'as jamais su manier autre chose que la
plume ! Qu'est-ce qui te prend ?
    –
D'ailleurs, ajouta Latif el-Wakil, ce serait du suicide. Tu es myope comme une
taupe. Nous n'avons pas un seul combattant qui porte des lunettes.
    Soliman
haussa les épaules.
    – Eh bien,
je serai le premier !
    Abd
el-Kader répliqua fermement :
    – Pas
question   ! Tu resteras sagement ici en compagnie ton frère.
    – Avec
tout le respect que je te dois, je te rappelle que j'ai trente-cinq ans. Ce ne
sont pas les trois ans qui nous séparent qui font de mon frère mon gardien.
    –
Soliman ! gronda ce dernier. Cesse de faire l 'idiot !
    – Je préfère
passer pour un idiot plutôt que pour un lâche !
    – Un
lâche ? Qu'est-ce que tu insinues ?
    Samia
s'interposa, prise de panique.
    –
Calmez-vous, calmez-vous ! Tu viens de le dire : vous n'avez plus
quinze ans !
    –
Non ! insista Mourad, je veux qu'il s'explique !
    Saisissant
Soliman par le col, il questionna :
    – De quel
lâche parles-tu ?
    L'autre
resta silencieux.
    – Réponds !
    – Je n'ai
rien à ajouter.
    – Allons,
du calme, vous deux, intervint Latif. Du calme !
    –
Parle !
    – Très
bien, Mourad. Je t'observe depuis des années. Tu as toujours été le premier à manifester
ta fougue, ta révolte, ta passion, ta frustration. Tu as même quitté l' Égypte pour
revenir vivre ici. Mais maintenant qu'il s'agit de se battre, tu te
dérobes ?
    Il désigna
les caisses.
    – C'est
quand même toi qui as obtenu ces armes. Pourquoi ? Pour que les autres
aillent se faire tuer à notre place ?
    –
Faux ! protesta Latif. Ces armes, Mourad n’an voulait pas. C'est moi qui l'ai influencé,
moi qui ai tout organisé. Je ne lui ai pas laissé le choix.
    Soliman
haussa les épaules.
    – Peu
importe ! Il n’y a aucune raison pour que ce soit vous qui vous battiez et
pas nous.
    – Il
suffit, maintenant ! ordonna Abd el-Kader. C'est la guerre, Soliman. Pas
de la littérature.
    Il se
tourna vers Mourad et ordonna :
    – S urveille-le ! Il est capable de tout foutre en l'air.
     
     
    *
     
     
    Le
lendemain soir, kibboutz de Kfar Sofer
     
     
    Dix
flèches enflammées strièrent la nuit. Les pointes, enduites d'une couche de
poix, volèrent par-dessus l'enclos et se fichèrent dans les panneaux
préfabriqués des maisons les plus proches. Le feu commença à les dévorer comme
des panthères qui se seraient jetées sur des buffles. Une onzième flèche tomba
sous un camion bâché.
    Des cris
jaillirent. Un hurlement de sirène.
    De
nouvelles flèches fusèrent et presque immédiatement des ombres cagoulées bâtirent
en retraite vers les bosquets d’orangers. Elles avaient à peine disparu que des
projecteurs montés sur trois pylônes balayèrent le paysage. Des individus
échevelés surgirent des maisons. Une voix cria en allemand. Si les hommes d'Abd
el-Kader avaient compris cette langue, ils auraient entendu : « Ils
ne peuvent pas être très loin, la porté de flèches ne dépasse pas une centaine
de mètres. »
    Aussitôt,
plusieurs détonations retentirent. L'un des projecteurs explosa, crachant une
gerbe d'étincelles.
    Autres détonations.
Un deuxième projecteur implosa à son tour.
    Les
tireurs sortis du kibboutz répliquèrent. Une salve mitrailla le bosquet
d'orangers. Un cri. Un gémissement. Un bruit de corps qui heurte le sol.
    Une ultime
déflagration fit trembler les étoiles. Le camion bâché venait de voler en
éclats. Les tireurs du kibboutz se retournèrent, désemparés.
    –
Repliez-vous avec les blessés ! Nous vous couvrons, ordonna Abd el-Kader.
    Deux
moteurs vrombirent, puis s'éloignèrent. Abd el-Kader et quatre de ses
compagnons, toujours cagoulés, gagnèrent à reculons la troisième voiture. Latif
el-Wakil se mit au

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