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Le talisman Cathare

Le talisman Cathare

Titel: Le talisman Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Luc Aubarbier
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avec un homme, si ce n’était par l’intermédiaire du livre saint. Elle posait un regard plein de bonté sur ces pauvres gens, au sombre quotidien, qui espéraient d’elle un peu de lumière. La vue d’une femme enceinte la faisait tressaillir. « Non pas une nouvelle âme enchaînée, pensait-elle, mais un futur saint pour sauver le monde des hommes. »
    Esclarmonde, plus ancienne et plus éclairée, prenait le plus souvent la parole devant la communauté. Elle lançait souvent de vigoureuses attaques contre le clergé catholique.
    « Le pape, les cardinaux, les évêques et les prêtres n’ont pas le pouvoir de remettre les péchés, car ils sont impurs et inspirés par le mauvais esprit, ne tenant ni nesuivant la parole de Dieu, mais adorant les idoles, faux prophètes prêchant de mauvais fruits : la vanité et le mensonge, cupides, avares, fornicateurs, adorateurs du Maudit, blasphémateurs de Dieu, adultères, gloutons, envieux et ouvriers de mauvaises oeuvres. Prenez garde aux mauvais prophètes qui viennent à vous sous l’habit du mouton ; à l’intérieur, ce sont des loups rapaces, a dit saint Matthieu. L’impur ne peut purifier ce qui est pur, mais les Parfaits le peuvent. »
    Les villageoises étaient étonnées devant la science virulente des deux femmes. Alix et Esclarmonde n’avaient pas besoin d’enquêtes approfondies pour connaître la dégradation du clergé catholique occitan qui s’était attiré les foudres du pape lui-même. « Tel maître, tel valet », avait-il déclaré, accusant ainsi ses propres disciples de faire le jeu du catharisme.

    La police de l’évêque, puis les dominicains de la toute nouvelle Inquisition, se lancèrent sur les traces des deux femmes qui semblaient douées du pouvoir de se rendre invisibles, apparaissant toujours là où on ne les attendait pas, prenant grand soin d’éviter les embuscades. « Sorcellerie ! Magie ! » s’exclama le prélat. Leurs têtes furent mises à prix.
    Un jour qu’elles avaient demandé l’hospitalité dans une modeste auberge de Châteauverdun, la matrone leur demanda de les aider à préparer le repas.
    « S’il vous plaît, mesdames, pourriez-vous égorger ces deux poulets, puis les plumer et les vider, afin que je les fasse cuire pour votre dîner ? »
    Esclarmonde et Alix se regardèrent, décontenancées. « Nous n’avons pas très faim. Une soupe de légumes et puis un bon lit feront mieux notre affaire. »
    « C’est-y que vous n’aimez pas la viande ?
    — Si fait, répondit Alix. Dans mon Périgord natal, je faisais force banquets de canards et d’oies bien grasses.
    — Vous n’êtes pas d’ici, alors ? Que venez-vous faire ? »
    Les questions devenaient plus précises, plus dangereuses. Les Parfaites louvoyèrent en tentant de protéger leur anonymat.
    « Curiosité est bien grand péché, madame, jeta Alix.
    — Occupez-vous des poulets, je vais acheter quelques légumes au marché du village, puisque vous n’aimez que ça. »
    Prenant sa cape, la femme s’éloigna vers la place centrale à pas précipités.
    « Vite, partons ! Elle va chercher les sergents du roi. Passons par-derrière, le chemin nous est condamné. »
    Elles s’enfuirent à travers prés, courant à perdre haleine, les pieds nus pour aller plus vite, se meurtrissant aux pierres. En se retournant, Alix aperçut le curé, accompagné de deux hommes d’armes, qui pénétrait dans l’auberge.

    Alix écrivait régulièrement à Bernard des lettres pleines de sagesse et d’appel à la paix, qu’elle confiait à quelques colporteurs amis de la cause. Il répondait par le même chemin, exprimant le regret de son départ, la souffrance de la solitude. Il se sentait séparé d’elle parquelque chose de plus grand que la distance et le temps. Le consolament avait fait d’elle une sainte, intouchable pour la main d’un homme. Cette rupture le blessait dans sa dignité d’époux, tout autant qu’elle réjouissait le croyant qu’il était.
    Puis le courrier se fit plus rare. Les guerres avaient repris, coupant les chemins, perturbant les communications. Entre 1219 et 1224, Amaury de Montfort poursuivit la croisade de son père, sans succès. Il se retira au profit du souverain français. Le roi Louis VIII prit l’affaire en main, faisant excommunier Raymond VII de Toulouse et rassemblant la chevalerie française pour venir dévaster les terres déjà exsangues du Sud. Comme il était partout chez lui, aucune ville ne

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