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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Boniface ?
    — Oui, même qu’il était rudement pressé, il a ôté sa soutane et s’est enfermé dans la pièce où il nous soigne, et l’autre a cogné, cogné, et puis il a forcé la porte, mais l’père avait sauté par la fenêtre, alors l’autre en a fait autant, il s’est presque cassé la margoulette avec sa patte folle.
    — Où sont-ils allés ?
    La gamine haussa les épaules.
    — Y m’l’ont pas dit !
    Découragé, Victor mit la main à sa poche.
    — Tiens, tu pourras t’acheter un paquet de bonbons, dit-il en lui glissant sa dernière pièce de monnaie.
    — Oh ! Merci, m’sieu. Si j’étais vous j’irais visiter la grotte.
    — La grotte ?
    — Aux Buttes-Chaumont. Quand les cognes font une descente, l’père conseille de se carapater à la grotte, expliqua-t-elle tandis qu’elle démêlait de ses doigts sales les cheveux de sa poupée. C’est une cachette naturelle, y a une cascade. L’été, c’est bien, on s’arrose. I ’hiver, y a pas un chat, alors quand les dos ont un compte à régler, y z’y vont parce que les flics…
    Elle redressa le menton et comprit qu’elle gaspillait a salive, l’homme avait disparu.
     
    Corentin Jourdan payait le prix de semaines consacrées à parcourir en tous sens cette ville pluvieuse et malsaine. Son pied le tiraillait, pourtant il ne se résolvait pas à abandonner. En dépit de son âge et de sa corpulence, l’homme qu’il pourchassait possédait une vivacité étonnante. Il avait gravi en un éclair les escaliers de la rue Asselin et s’était hâté le long de la rue Bolivar comme si les hordes de Gengis Khan étaient lancées à ses trousses. Une douleur fulgurante obligea Corentin à observer une pause qu’il mit à profit pour reprendre son souffle et canaliser un regain d’énergie qui le poussa à bâbord.
    L’homme avait une bonne longueur d’avance, il ne se retournait jamais et se contentait de courir. Corentin accéléra, il vit son gibier sauter une grille et disparaître dans un vaste terrain vague en croissant. Coudes au corps, bouche grande ouverte, Corentin s’y engouffra à son tour. Il se retrouva parmi des herbes folles et des caillasses sur lesquelles il se tordait les chevilles. Devant lui, l’autre progressait sans difficulté. À un moment, il enjamba un échalier et disparut. Corentin jura, sa chaussure dérapa, il se sentit projeté en avant et tendit les bras pour amortir sa chute. Une rage soudaine l’envahit. Il se releva tant bien que mal, escalada un monticule et découvrit un plan d’eau cerné de rochers escarpés au sommet desquels était érigé un petit temple corinthien. Une dizaine de mètres en contrebas s’étirait un léger pont métallique. Il se crut transporté très loin de Paris. Le temps de recouvrer ses esprits, sa proie s’était volatilisée. Où la traquer ? S’était-elle fondue dans le paysage ou avait-elle franchi cette oasis afin de se noyer au sein d’un océan minéral ?
    « Tu es là, quelque part, se dit Corentin. Tu dois être aussi claqué que moi, vas-y, requinque-toi, mais ne t’imagine pas que je vais jeter l’éponge. »
    Échoué sur un banc, il s’accorda un court répit. Il entrevoyait des promeneurs ne redoutant pas l’haleine hostile du vent d’est. La plupart ne bravaient le froid qu’accompagnés de chiens affairés à marquer leur territoire.
    Il serra les dents pour tenter d’oublier un instant son pied qui l’élançait. Renoncer si près du but équivaudrait à trahir son serment, et puisqu’il s’était juré de parachever son entreprise coûte que coûte, il lui fallait rester sourd à la douleur et explorer le parc avec l’opiniâtreté qu’il eût jadis déployée à vaincre une mer houleuse.
    Désavantagé par sa démarche claudicante, il n’en réussit pas moins à patrouiller autour du lac sillonné de canards. Il gravit ensuite une éminence plantée de cèdres. Un sentier moussu le mena à un café-restaurant désert. Les sculptures de bronze qui peuplaient les bosquets observaient son manège de leurs orbites vides. Soudain, l’air s’emplit d’étincelles, il vit déboucher d’un tunnel, fonçant sur ses rails, une locomotive remorquant quelques wagons. À quoi bon s’obstiner alors que le chemin de fer de ceinture avait probablement offert au fugitif un moyen d’évasion ?
    Du haut d’une arche de pierre, il remarqua l’entrée d’une grotte artificielle où se déversait, au flanc d’un ravin

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