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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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tapissé de fougères, une impétueuse cascade. Il dévala l’allée. Aussi sombre qu’humide, l’excavation à la chevelure de stalactites évoquait à s’y méprendre une véritable caverne. La lumière verticale, presque violette, semait des touches claires sur les parois d’un puits aux saillies desquelles pendaient des lianes et des racines. Il attendit que ses yeux s’habituent à la pénombre. Il y eut des grattements à sa droite. Pendant un millième de seconde, il eut conscience d’une forme qui jaillissait près de lui. De la main, il para un coup qu’il ne voyait pas arriver. Deux bras puissants se nouèrent autour de son torse et le forcèrent à reculer. Il se débattit violemment, mais dès qu’il se dégagea et parvint à se tourner face à son adversaire, un coup de poing l’envoya dinguer contre une paroi rugueuse. Il s’écroula. Des doigts se refermèrent sur sa gorge. Il s’arc-bouta et se libéra, prêt à affronter son adversaire.
     
    L’ignoble Zandini se fût gaussé de ces costauds patibulaires à larges rouflaquettes formant haie à l’orée de l’ Hôtel de Bucarest où officiaient des pelotons de péripatéticiennes. Il eût ostensiblement affûté son eustache 61 et s’en fût curé les dents avec désinvolture. Joseph, lui, n’en menait pas large. En guise d’incantation propitiatoire, il se répétait en lui-même la formule qui résumait l’identité du coupable, et souhaitait ardemment conserver la vie sauve jusqu’à ce qu’il eût localisé Victor et lui eût transmis le fruit de ses réflexions. Il tâtait l’arme qui gonflait sa poche et se promettait qu’il vendrait chèrement sa peau.
    — Je cherche la rue Burnouf, finit-il par balbutier à une fille plus avenante que ses compagnes.
    — Ben quoi qu’tu veux y farfouiller, mon mignon ? Y a tout c’que tu peux rêver d’mieux ici ! Est-il trognon !
    Elle lui caressa la joue. Écarlate, il se déroba, aussitôt encerclé de créatures qui se cramponnaient à lui en rivalisant d’œillades assassines.
    — J’ai toujours eu envie d’me chauffer à un bosco. C’est-y vrai qu’ça porte bonheur ? glapit l’une, la main serrée sur son épaule.
    — Mets-la en sourdine, Charlina, t’as tellement bâti sur l’devant qu’t’as plus d’place dans ton plumard ! s’écria une autre.
    — Les écoute pas, conseilla une troisième, c’est rien qu’des merluches avariées, ça s’parfume au prends-moi-toute et ça s’peinturlure la trombine, mais quand on déballe la marchandise, ça vous flanque la chique !
    — Tu nous la cours, la Rincette, avec c’que tu siffles, le moindre suçage de pomme prend des allures de suicide, les gonces s’écroulent raides au pieu ! Notez qu’ça lui évite de s’crever à la besogne, parce que sinon elle pioncerait sur le rôti !
    La discussion prenait une tournure inquiétante car, à mesure qu’elle s’envenimait, ces dames tiraient à elles le malheureux Joseph qui craignait d’être démantibulé. Un gros bonhomme à foulard rouge s’interposa.
    — Cessez d’jacasser, les pochetées, c’polichinelle n’est pas ici pour vos crêpages de chignon, allez vous bouffer l’nez ailleurs, Môssieur est v’nu tenter sa chance.
    Il dispersa les filles mécontentes et cependant prestement soumises à cet individu massif au crâne tondu à la mal-content. Joseph sentit que, délivré du poison, il était menacé de la corde.
    — V’là c’que j’te propose, mon gars. On va casser l’goulot à une bouteille, c’est toi qui régales, bien sûr, et on va jouer au bonneteau. Pour que tout soye fait dans les règles – mon p’tit doigt me souffle que t’as d’mauvaises manières – j’me présente : Auguste Balandard, biffin, écumeur de canal et fumiste à mes heures. Et toi ?
    — Jo… Joseph Pignot, libraire.
    — Salut, Jojo, tu m’bottes, aboule la galette que j’aille nous fournir en gros qui tache.
    Trop poli pour refuser, Joseph repêchait déjà une pièce au fond de sa poche quand un coup de sifflet à roulette plongea le quartier en effervescence.
    Deux mots volaient de bouche en bouche : les cognes ! Tel un cierge brutalement mouché, le trottoir se vida de sa gent galante. Dans une extrême confusion, chacun s’efforçait de déguerpir avant l’assaut des forces de l’ordre. Coupables d’activités illicites, ou simplement effrayés par la puissance dont se revêt l’autorité, tous n’avaient qu’une idée

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