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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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près une bourgeoise à la croupe rembourrée.
    La carriole obliqua rue des Écluses-Saint-Martin. Soucieux de maintenir la distance, Victor contourna une charrette de charbonnier, ce qui le contraignit à rouler dans le caniveau. Il avait à peine parcouru une vingtaine le mètres que le pneu arrière de son engin creva. La gorge obstruée par un nœud rageur, il eut le réflexe de se hâter vers un providentiel bureau de poste. En chemin, il avisa un garçon d’une douzaine d’années, bras croisés, adossé à une façade avec indolence.
    — Hé, petit, ça te dirait d’empocher une roue de derrière$1 $2
    — Faut voir.
    — La moitié maintenant, le reste si tu reviens.
    — Si j’reviens d’où ?
    — Cette voiture, là-bas, bloquée au carrefour, Déménagement Lambert, tu la courses et si elle finit par s’arrêter, tu repères le nom de la rue et tu me retrouves devant le bureau de poste. Dépêche-toi !
    Les pièces de Victor au creux de la main, le gamin détala avec une agilité surprenante de la part d’un spécimen aussi mollasson. Victor songea qu’il avait peu de chance de le revoir car, à supposer qu’il eût envie de toucher le reliquat des cinq francs, peut-être risquait-il de foncer aux trousses du bancal jusqu’à Pantin ou au diable vauvert. Une autre pièce – à ce train-là, la ruine était proche – lui servit à enjôler une quincaillière qui promit de veiller à l’intégrité de sa bicyclette.
    « Vite, appeler Joseph, même si la situation semble désespérée. »
     
    Excédé, Kenji raccrocha. Quand donc la comtesse de Salignac s’enfoncerait-elle dans le crâne que la librairie était fermée le dimanche ? Celle qu’en son for intérieur il nommait, à l’instar de Joseph, « la moukère » insistait afin qu’on lui livrât sur-le-champ un ouvrage déjà commandé plusieurs fois, traitant de l’éducation. « Sûrement parce qu’elle n’en a reçu aucune », conclut-il en remontant chez lui. Sa fille et son gendre dormaient encore ou bien paressaient au lit. Grâce au ciel, Euphrosine, invitée par une ancienne amie des Halles à s’extasier au Châtelet devant Le Trésor des radjahs , ne les honorerait pas de sa présence.
    Il se fit couler un bain brûlant. Le corps et l’esprit engourdis, il tenta de se représenter Djina s’effeuillant de ses dessous dans la garçonnière de la rue de l’Échelle où les rideaux de damas étaient du plus bel effet. L’ultime obstacle de linon allait tomber et révéler un de ces corsets très baleinés, échancré sur les hanches et comprimant les seins au creux de gorges à goussets, qu’il avait détaillés, le regard en coulisse, à la devanture d’un magasin des Boulevards. On frappa. Il refusa de réagir. On insista. Contrarié, il enfila un peignoir et piétina une serviette éponge en sorte de ne pas inonder le carrelage.
    — C’est dimanche, grogna-t-il face à un Joseph vêtu de pied en cap et plutôt embarrassé. Un ennui ? ajouta-t-il, soudain inquiet pour Iris.
    — J’en ai rêvé toute la nuit. Ça m’obsède. Sauriez-vous qui est Velpeau, par hasard ?
    — Vous vous fichez de moi ?
    — Non, parole. Je n’ai pas eu le courage de plonger à la réserve en pleine nuit. Et comme vous êtes une encyclopédie vivante à vous seul, j’ai pensé…
    Flatté, Kenji maîtrisa son irritation.
    — C’était un chirurgien célèbre, spécialisé dans les trépanations. Pourquoi diantre vous intéressez-vous à lui ?
    — Rapport à mon roman. Merci infiniment.
    — Allez donc répondre au téléphone, grommela Kenji qui se boucla dans la salle de bains, persuadé que la comtesse de Salignac revenait à la charge.
    Joseph descendit lentement l’escalier à vis, les rouages de ses méninges absorbés par une formule mathématique noyée de brume. C’était Tasha au bout du fil, soupçonneuse et mécontente. Était-il exact que son devoir de libraire obligeât Victor à déserter le domicile conjugal un dimanche matin ? La vision du cirque d’Hiver se dessina au milieu du clair-obscur de la boutique. Joseph toussota et allégua son ignorance avant de crier :
    — Oui, chérie, j’arrive. Excusez-moi, madame Tasha, Iris me réclame.
    À peine avait-il reposé le combiné que la sonnerie retentit derechef. Cette fois c’était Victor, à cran.
    — J’ai mis une heure à obtenir la ligne, elle ne cesse d’être occupée ! Vous m’écoutez ? Absalon Thomassin a été

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