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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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sa chevelure rousse, sans répit les peignes qu’elle y plantait laissaient échapper des mèches folles. Elle boutonna le corsage brodé de sa robe de velours rose. Il faudrait rentrer le ventre pour compenser l’absence de corset, instrument de torture qui lui était insupportable. Elle enfila des gants de dentelle, se poudra, se parfuma d’un soupçon de benjoin, consciente de susciter l’admiration d’André Bognol.
    Curieux alliage d’efficacité et de dignité compassée, l’ancien maître d’hôtel s’activait autour de la vaste pièce servant d’atelier.
    — Nous sommes presque prêt, nous avons mitonné un ragoût aux herbes de Provence, il ne nous reste qu’ à dépoussiérer.
    Au début, cette façon royale de s’exprimer à la première personne du pluriel avait beaucoup étonné Tasha. Elle s’y était accoutumée.
    — Renoncez-y, André, nous partons, d’abord l’encadreur, puis La Revue blanche , j’ai promis d’y être avant midi.
    La plupart des toiles sélectionnées avaient été installées la veille. Quatre châssis plus volumineux nécessitaient un second voyage.
    Elle caressa Kochka affalée contre le poêle. Victor développait des clichés, il se rendrait ensuite à la librairie et la rejoindrait rue Laffitte en fin d’après-midi. Un baiser d’au revoir lui porterait chance, elle se hâta vers l’appartement et eut la mauvaise surprise de se cogner à Joseph.
    — Qu’est-ce que vous fichez là ?
    — Victor m’a convoqué, des livres chez un collectionneur…
    — Où est-il ?
    — Dans son labo.
    — Je parlais du collectionneur, précisa-t-elle.
    — 43 bis, rue de Courcelles, énonça Joseph, qui regretta sur-le-champ d’avoir débité la première adresse lui effleurant l’esprit.
    Espérant l’amadouer, il eut un sourire enjôleur, il se souvenait avec nostalgie de l’époque où elle le surnommait « mon petit moujik ».
    Elle hésita. Elle savait qu’il était inutile de contredire Joseph, à supposer qu’il mentît. Victor et lui avaient prouvé qu’en dépit de leurs fréquents dissentiments, ils s’épaulaient quand ils menaient une enquête. Etait-ce le cas ? Elle préférait repousser à plus tard un affrontement direct, d’ailleurs peut-être se fourvoyait-elle.
    — À ce soir, chéri ! cria-t-elle à Victor.
    Celui-ci qui lança d’un ton allègre :
    — Bonne chance, mon amour !
    Elle quitta l’appartement avec un signe du menton vaguement hostile à l’intention de Joseph.
    — Cher beau-frère, je crois que votre épouse a la puce à l’oreille.
    Victor abandonna sa retraite.
    — Tant qu’elle se tait… Répétez-moi mot pour mot ce que vous a communiqué Gouvier, ordonna-t-il, choisissant un gilet.
     
    La résidence de Richard Gaétan se distinguait de ses voisines par son style néogothique alourdi d’ogives et de gargouilles. Un valet de chambre en habit, pantalon à rayures et cravate de piqué blanc, aussi maigre qu’un échassier, fixait à tour de rôle les deux importuns, le coin de la bouche harcelé d’un tiraillement. Quand Victor lui eut appris l’assassinat de son maître, le vieil homme ne manifesta son émotion qu’en maîtrisant ce tic un long moment.
    — Ces messieurs de la police désirent m’interroger ?
    Loin de dissiper ce malentendu, ils lui emboîtèrent le pas dans un salon-bibliothèque. Les bras croisés dans le dos, Joseph guigna les titres des cartonnages rouges et verts aux nerfs dorés. Si la plupart des grands noms de la littérature répondaient présents, leurs œuvres n’étaient que de vulgaires trompe-l’œil dont il s’écarta, écœuré.
    Le valet de chambre épousseta machinalement un drageoir de porcelaine
    — Que Monsieur découche, cela n’avait rien d’insolite, pourtant j’ai été oppressé jusqu’à l’aube.
    — Combien d’employés affectés à cette maison ? s’enquit Victor.
    — Il y a la femme de ménage, Sidonie Mandron, elle ne vient que le matin et se consacre chaque jour à une pièce différente. Il y a Mme Couperie, la cuisinière, elle ne monte jamais dans les étages. Et il y a moi. Cela va faire douze ans que je suis au service de Monsieur, mais c’était la première fois qu’il se mettait dans cet état.
    — Expliquez-vous.
    — C’était le 9 de ce mois, un vendredi, je m’en souviens parce que ce jour-là Mme Couperie mariait son fils, Arnaud, il est boucher et il a épousé la fille d’un poissonnier, une pimbêche

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