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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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d’apparat par une porte dérobée. Le boudoir jouxtait les salons d’essayages et un cabinet de toilette. La veilleuse révélait des produits de luxe alignés sur des étagères, cette vue la plongea dans un enchantement indicible. Elle prit en main tout ce qui sollicitait son envie. Merveilleux privilège que de toucher un objet, de le posséder l’espace d’un instant, de promener ses doigts à la surface d’un savon crémeux puis de le replacer doucement. C’était vraiment une sensation magnifique : elle était une reine.
    Elle voulut s’attarder, mais la perspective d’être mise à l’amende la ramena à la raison. Elle poussa la porte du boudoir et le rêve s’imposa de nouveau. Parée d’atours somptueux, elle s’apprêtait à réveiller son prince endormi au creux d’un divan. Si intense était son hypnose qu’elle effectua une génuflexion adressée à la danseuse de terre cuite. Au milieu de sa courbette, elle se pétrifia.
    « Quelqu’un m’observe. »
    Son regard se coula jusqu’au plancher. Étendu sur le flanc, le cou déjeté, les lèvres souillées d’un jus marron, Richard Gaétan la lorgnait d’une prunelle où clignotait une lueur ambrée. Elle recula sans parvenir à détacher ses yeux de ceux de l’homme. En son for intérieur, une voix hystérique lui ordonnait d’agir comme si elle n’avait rien vu. Ses nerfs craquèrent, elle pivota, trébucha et s’agrippa à la danseuse de terre cuite qui se brisa en mille morceaux.
     
    Ces moukères ! Se muaient-elles en vampires, pendus tête en bas aux gouttières, prêts à fondre sur la boutique dès l’ouverture ? Cette question agitait Joseph tandis que Mathilde de Flavignol et Raphaëlle de Gouveline balayaient les rayonnages de leurs manteaux humides. Louée fût la Providence ! Le schipperke et le bichon maltais étaient excusés pour cause d’averses.
    — C’est pourtant un vrai temps de chien ! marmonna-t-il.
    Mathilde de Flavignol éreintait les cérémonies dédiées au second centenaire de la naissance de Voltaire et Raphaëlle de Gouveline vantait une tombola de charité à la mairie du neuvième arrondissement, quand la sonnerie du téléphone mit un terme à leur caquetage. C’était Isidore Gouvier, il souhaitait s’entretenir avec M. Legris.
    — Il est en route, mais lui et moi c’est du pareil au même, répondit Joseph. Oui, je suis marié, je vais être papa… Quoi ?… Assassiné ?… Quand ?… Bigre !… Oui, je le lui dirai… Euh, effectivement, nous le comptions parmi nos habitués. Merci, monsieur Gouvier, à bientôt.
    À peine avait-il lâché le récepteur que la basse-cour l’assiégeait.
    — Un meurtre ? gloussa Raphaëlle de Gouveline.
    — Quel habitué ? glapit Mathilde de Flavignol.
    — Chut, mesdames, une sale affaire concernant une personne haut placée. Crime passionnel. La presse dévoilera sous peu le pourquoi du comment.
    Il bondit à l’étage.
    — Mesdames, je vous confie la barre.
    La bouche en O, elles acquiescèrent. Il tambourina à la porte de Kenji, qui entrebâilla, drapé de sa robe de chambre bleue à pois rouges.
    — Victor exige ma présence, un achat mirobolant ! Prévenez Iris, s’il vous plaît, je fais l’aller-retour. Les mouk… Mmes de Gouveline et de Flavignol trépignent d’impatience de vous voir !
    Les yeux étrécis de colère, Kenji allait formuler une protestation véhémente, mais Joseph avait déjà replongé. Sous le regard médusé des deux femmes, il décrocha d’une patère sa redingote et son melon, et détala.
     
    Le jour dont Tasha rêvait depuis des semaines était enfin arrivé. Dans quelques heures Thadée Natanson inaugurerait l’exposition de La Revue blanche  – son exposition. Un travail de cinq années serait livré en pâture au public. Récolterait-elle des compliments, des critiques ou de l’indifférence ? Éblouirait-elle un ou deux amateurs ? Ces aspirations étaient présomptueuses alors que Vincent Van Gogh n’avait vendu qu’une toile de son vivant. Maintenant qu’elle s’appelait Legris, elle était à l’abri de la gêne, néanmoins cette dépendance blessait son amour-propre, bien que Victor trouvât cette situation des plus naturelles. Possessif, jaloux, certes, il le serait à vie, toutefois il se montrait si prévenant, si désintéressé qu’elle aspirait à dépasser ses limites en sorte qu’il fût fier d’elle.
    Elle s’examina dans un miroir Impossible de discipliner

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