Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
Vom Netzwerk:
je sais exactement où il est.
    Debout près de la cheminée, Évrard restait silencieux. Il venait d’expliquer comment il avait retrouvé le rabbin d’Al Kilhal et surtout où il était détenu. Son visage portait encore les marques de son rôle : un pèlerin défiguré aux cheveux huilés de crasse. Depuis qu’il était entré parmi les livres, l’Archiviste lui jetait des regards inquiets.
    — Justement, dit le Devin, si tu nous le montrais sur un de tes plans ?
    —  « Nous »  ? avait interrogé le moine, en montrant du doigt Évrard.
    Tout en jetant un œil sur le cimetière où tous les corps venaient d’être inhumés, le Devin avait répliqué :
    — Ne t’inquiète pas, c’est un frère, même si je reconnais que son apparence joue plutôt contre lui…
    Amusé, Évrard fit cligner sa paupière rougie d’où tombèrent des croûtes de sang séché. L’Archiviste recula, scandalisé.
    — Alors, ces plans ? reprit le Devin.
    Le moine se dirigea vers une armoire taillée dans le mur et protégée par une porte bardée de métal.
    — Je vous préviens, c’est une carte très ancienne. Sur papyrus, c’est dire. Il peut s’effriter à tout moment si on le touche comme on manie l’épée.
    — Moi je ne branle que de la sébile… commença Évrard.
    — Quant à moi, je ne dirai pas ce que je…
    — Épargnez-moi vos paroles du diable… s’empourpra l’Archiviste en dépliant un rouleau. Vous n’êtes que des butors.
    Malgré sa plaisanterie, le Devin sentait une angoisse étrangère monter en lui. Il se retourna vers la fenêtre. Sans doute l’âme des morts, fraîchement enterrés, qui rôdait, désemparée. Il penserait à eux plus tard. Là, il devait s’occuper des vivants.
    — Voilà le Puits…
    Évrard se pencha. Un double cercle concentrique occupait le centre d’un maillage perpendiculaire.
    — Et tout autour, c’est quoi ?
    — Le réseau des égouts construit par les Romains.
    — On pourrait passer par là ? demanda le Devin.
    Le visage du moine s’illumina. Il tenait sa revanche.
    — Si vous ne craignez ni les excréments, ni les rats…
    — Sauf qu’après, dit Évrard en montrant les deux cercles, il faut franchir l’épaisseur de l’enceinte du puits.
    — Au moins deux toises, ironisa l’Archiviste. Si vous commencez à percer aujourd’hui, vous aurez peut-être fini à la Noël.
    Le Devin frappa du poing sur la table. Ils n’avaient plus le temps. Le rabbin d’Al Kilhal était détenu depuis plusieurs jours. Vu les méthodes du Légat, il ne survivrait pas longtemps.
    — On n’y arrivera jamais !
    Accablé, Évrard se laissa choir sur le banc.
    — À moins que vous ne passiez par là.
    D’un doigt taché d’encre, le moine indiquait une portion du mur dont la largeur était visiblement réduite.
    — C’est quoi, ça ?
    — Ça… indiqua l’Archiviste, d’un ton gourmand. C’est le Pourrissoir.

    Le Puits
    L’obscurité était retombée. De nouveau Roncelin était seul. Quand sa jambe ne lui fit plus mal, il se leva, fit jouer ses muscles amaigris et décida de réfléchir. Il porta la main à son index par habitude, mais sa bague de famille ne s’y trouvait plus. Curieusement cette absence ne le jeta ni dans un désespoir sans fond, ni dans une rage froide. Sans le savoir, le geôlier qui lui avait dérobé ce souvenir de famille avait définitivement tranché un lien. Jamais plus Roncelin ne serait le cadet de Fos. Désormais, c’est son prénom qu’il porterait en étendard et dont il ferait flotter les couleurs haut dans le monde. Depuis le début de sa détention dans le Puits, Roncelin se modifiait. Il ne savait ni comment, ni pourquoi, mais il sentait la différence s’insinuer en lui. Un autre homme était en train de naître, forgé dans l’obscurité et la torture, dépouillé de sa vie d’avant, durci au feu du désespoir et de la force intérieure. Étrangement, Roncelin faisait remonter le début de cette métamorphose à ses échanges avec Maïmonès. Les paroles énigmatiques du rabbin avaient eu une influence paradoxale : plus elles semblaient absurdes, plus l’ancien chef des pillards les faisait siennes. Ainsi, il était désormais certain qu’il sortirait vivant de ce cauchemar. C’était comme avoir goûté à une eau qui pouvait étancher toute soif. Il descendit de son monticule de pierres et s’accroupit face à la base encore humide du mur. L’eau avait disparu, ne laissant que de

Weitere Kostenlose Bücher