Le templier déchu
sa tête bourdonnait, pourtant, il se sentait étrangement alerte face à la crise qui s’annonçait.
Un bref procès devait avoir lieu, présidé par Robert Bruce lui-même. Le roi avait déjà entendu les doléances de lord Lennox et d’Aubert, l’intendant de Dunleavy. Tous deux criaient à la trahison contre la couronne d’Écosse, Alexandre étant, bien entendu, désigné comme le coupable.
Pour éviter tout bain de sang dont Elizabeth aurait pu pâtir, Alexandre s’était laissé emmener sans protester lorsque les gardes du roi étaient venus le chercher dans la chapelle. Damien, Richard, Jean et les autres Templiers avaient resserré les rangs, prêts à se dresser contre l’armée de Robert Bruce si nécessaire pour empêcher qu’on l’emprisonne et qu’on le soumette à un interrogatoire, mais Alexandre les avait convaincus d’attendre de voir comment les événements évoluaient.
La justice triompherait, avait-il affirmé, tout en sachant que la probabilité pour qu’il quitte Dunleavy en homme libre – ou même vivant – était fort mince. Ses compagnons le savaient également, mais ils avaient tenu à respecter son choix.
Alors qu’il sortait de la chapelle, il s’était rendu compte que, pour la troisième fois en l’espace d’une semaine, il avait emprunté la voie de l’honneur et de la vérité. Cette pensée l’avait presque fait sourire. Cela commençait à devenir une habitude, apparemment !
Si réconfortante que soit cette pensée, les faits qui lui étaient reprochés n’en demeuraient pas moins irréfutables, et il n’ignorait pas qu’il allait au-devant de gros ennuis.
Il n’était qu’un roturier qui avait usurpé l’identité d’un noble loyal à l’Écosse. Espion à la solde des Anglais, il s’était introduit par ruse à Dunleavy pour rassembler des informations confidentielles sur la forteresse afin que celle-ci tombe plus aisément lors du prochain siège. Qu’il ait été contraint d’obéir aux Anglais pour sauver la vie de son ami Jean ne vaudrait pas grand-chose aux yeux de Robert Bruce, Alexandre en avait la certitude.
Le bouillant jeune souverain s’était proclamé lui-même roi d’Écosse trois ans auparavant. La France n’avait d’ailleurs reconnu son autorité que très récemment, après qu’il eut mené une brutale campagne militaire contre ses rivaux politiques, les Comyn.
Bruce n’était pas un roitelet de salon, mais un guerrier endurci, capable de vivre caché dans les marais si les circonstances l’exigeaient, aussi à l’aise dans la peau d’un rebelle en fuite que dans celle d’un monarque présidant les cérémonies les plus fastueuses à la Cour.
Ce n’était donc pas un homme dont on se jouait. Et il ne serait certainement pas enclin à l’indulgence quand il apprendrait que le bastion de résistance qu’était Dunleavy avait failli tomber aux mains de l’ennemi par la faute d’Alexandre.
Celui-ci le savait, et l’acceptait. C’était un risque qu’il avait choisi de courir en revenant défendre Dunleavy contre l’envahisseur anglais. Lorsqu’il avait quitté le château quelques jours plus tôt, il ne se doutait pas qu’Aubert irait rejoindre lord Lennox, ni que ce dernier en appellerait au roi Bruce. Mais, au bout du compte, cela n’avait pas d’importance. Car il serait revenu de toute façon, prêt qu’il était à affronter n’importe qui pourvu qu’il n’arrive rien à Elizabeth.
Le fait qu’il se soit rallié aux soldats de Dunleavy au côté de ses camarades Templiers jouait certes en sa faveur. Mais cela constituerait tout au plus une circonstance atténuante. Et encore, il n’était pas prêt à miser là-dessus le prix de la corde qui servirait à le pendre.
Mais faute de mieux, il tâchait de s’accrocher à ce mince espoir.
Il se consolait également en se disant qu’Elizabeth était en sécurité et que, pour le moment, elle n’avait plus rien à redouter des Anglais. En effet, maintenant que la mort de son mari était officielle, elle se retrouvait sous la protection de Robert Bruce.
Et cela faisait toute la différence pour lui à l’instant où il s’apprêtait à affronter un noble bien décidé à obtenir sa tête, en même temps que le courroux d’un roi. Et si tout espoir se révélait vain, si on le condamnait à mort pour trahison, il mourrait au moins l’âme en paix, avec la certitude que la vie d’Elizabeth n’était pas en danger, réconforté par la pensée
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