Le templier déchu
n’aurait jamais cru qu’il était blessé. Il ne ferait montre d’aucune faiblesse devant ces hommes qui voulaient sa perte, devina-t-elle, la poitrine gonflée de fierté et les yeux emplis de larmes.
— Allons, faites place... écartez-vous ! ordonna l’un des gardes tandis qu’ils se frayaient un chemin à travers la foule.
Alexandre passa à moins d’un mètre d’Elizabeth, tourna la tête et verrouilla son regard au sien. Une émotion presque intolérable saisit la jeune femme à la vue de son expression si résignée et de l’inquiétude pour elle qui se lisait dans ses yeux.
Il s’apprêtait à passer en jugement, encourait la mort pour trahison, et c’était encore d’ elle dont il se souciait !
— Soyez forte, articula-t-il à voix basse juste avant d’être conduit à la table qui faisait face au roi, mais son regard s’attarda sur elle, s’efforçant de lui insuffler du courage.
Elizabeth le comprit et, soucieuse de l’encourager elle aussi, elle hocha la tête, ravala ses larmes et se tint aussi droite que lui. Oui, elle serait forte. Pour lui !
— Le procès va commencer ! annonça le héraut du roi.
Descendant de l’estrade, Bruce s’approcha d’Alexandre. Il n’avait pas caché sa surprise lorsque le prisonnier avait fait son entrée dans la salle. La ressemblance avec Robert Kincaid était telle qu’il avait décoché un regard incrédule aux deux accusateurs, comme s’il commençait à douter sérieusement de leur santé mentale.
— Nous avions l’intention de commencer différemment cet interrogatoire, déclara-t-il en guise de préambule. Mais depuis que nous avons vu l’accusé, nous sommes enclin à une approche plus directe.
Le roi recula d’un pas et enchaîna, les yeux fixés sur Alexandre :
— Nous vous prions de confirmer ou d’infirmer votre identité devant cette assemblée, de nous dire si, oui ou non, vous êtes Robert Kincaid, quatrième comte de Marston. Car si ce n’est pas le cas, nous aurions du mal à le croire ! Exprimez-vous donc et dites-nous si vous avez vraiment comploté avec l’ennemi anglais pour lui dévoiler les secrets militaires de Dunleavy Castle. Parlez maintenant, nous vous l’ordonnons.
Un lourd silence suivit ces paroles impérieuses prononcées par un homme dont tous savaient qu’il était aussi irascible que belliqueux.
Elizabeth s’était déplacée afin de voir autre chose que la nuque d’Alexandre. Elle détourna les yeux de son roi – à qui elle avait prêté serment d’allégeance et qu’elle avait reconnu comme souverain légitime pour reporter son attention sur l’homme qu’elle aimait. De nouveau, leurs regards se croisèrent. Elle comprit qu’il campait toujours sur ses positions, qu’il était prêt à mourir plutôt que de mentir, prêt à la protéger jusqu’au bout pour éviter qu’elle ne soit éclaboussée par le scandale.
Redressant les épaules, il prit une profonde inspiration et déclara d’une voix sonore :
— Sire, je ne suis pas Robert Kincaid, quatrième comte de Marston. Mon véritable nom est Alexandre de Ashby. Je suis chevalier d’Angleterre et j’ai été membre du cercle intérieur de l’ordre du Temple. Je fais partie de ceux qui sont venus chercher refuge en Écosse pour fuir les persécutions.
Il marqua une pause, ce qu’il s’apprêtait à dire étant visiblement difficile à admettre.
— Je confirme avoir été contraint, par la force, de me soumettre à la volonté des Anglais et de servir en tant qu’espion afin de les aider à prendre le contrôle de Dunleavy Castle.
Un murmure stupéfait parcourut l’assistance, mais Alexandre n’en avait pas terminé. Il enchaîna d’une voix égale :
— Mais en me faisant passer pour le seigneur de Dunleavy, j’ai été pris à mon propre piège, car je suis tombé sincèrement amoureux de la maîtresse de ce château, la vaillante et innocente dame Elizabeth de Selkirk.
Il ne la regardait pas. Peut-être ne pouvait-il s’y résoudre et elle lui en sut gré, car, en cet instant, elle ne savait pas si elle l’aurait supporté.
— Pour elle, j’ai enfin trouvé la force de faire ce que me dictait l’honneur. Je suis passé aux aveux. Hélas, le mal était fait, et les Anglais ayant obtenu les informations qu’ils voulaient, le siège était inévitable !
Il se tut et la foule se mit à bourdonner. Ceux qui n’avaient jamais envisagé les faits tels qu’Alexandre venait de les relater exprimaient
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