Le templier déchu
leur surprise. Les autres, qui le connaissaient et savaient qu’il n’avait pas trahi de son plein gré, semblaient se douter que cela n’y changerait rien au bout du compte.
Seuls Aubert et le comte de Lennox arboraient un air de satisfaction arrogante. Le roi, lui, paraissait avoir été frappé par la foudre. Face à une telle similitude physique, il avait manifestement du mal à admettre qu’il ne se trouvait pas en présence de Robert Kincaid.
Se ressaisissant, il fit volte-face et regagna l’estrade.
Elizabeth se mit à prier ardemment : « Seigneur, je Vous en prie, faites qu’il examine les faits en toute impartialité et que son respect pour les Templiers l’éclaire et lui montre les faits sous une autre lumière. »
Les traits durcis par un mélange de colère et de déception, Robert Bruce déclara :
— Maintenant que vous venez de confesser vos crimes odieux, nous vous invitons vivement à divulguer le nom de vos complices.
Une ombre dangereuse passa dans son regard avant qu’il ajoute, menaçant :
— Réfléchissez bien avant de parler, car vos aveux pourront alléger le juste châtiment qui vous attend. Si vous choisissez de vous taire et de cacher le nom des félons qui vous ont aidé, soyez certain de souffrir jusqu’au bout l’outrage du sort réservé aux traîtres.
Quelques secondes s’écoulèrent, puis Alexandre secoua la tête et, d’un ton résigné, répondit :
— Je ne puis vous livrer aucun nom, sire, car mes complices sont tous morts et je suis désormais seul à porter le fardeau de la culpabilité.
Dans le regard du roi, une lueur qui ressemblait à du respect s’alluma fugitivement, car il était évident qu’en refusant d’impliquer qui que ce soit dans cette affaire, Alexandre venait de se condamner lui-même.
— Qu’il en soit ainsi, fit le roi avec un geste de la main. Et que Dieu ait pitié de vous !
Baissant les yeux sur la table jonchée de parchemins, il s’apprêta à énoncer les crimes dont Alexandre s’était rendu coupable et à prononcer la sentence qu’il avait méritée.
D’ici à quelques secondes, son destin serait scellé.
La nausée d’Elizabeth s’accentua. Ce n’était pas possible. Cela ne pouvait pas arriver !
Une idée, qui avait germé dans son esprit et fait lentement son chemin en elle, fleurit soudain et s’imposa à elle. Elle sut qu’il fallait agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
Car il n’était pas question qu’elle le laisse marcher vers la mort sans avoir au moins tenté d’infléchir le destin.
— Sire, je sollicite la permission de parler !
Des exclamations étouffées et des murmures étonnés résonnèrent autour d’elle. Tous les regards convergèrent dans sa direction. Personne n’osait s’adresser à un roi de manière aussi directe, surtout un roi tel que Robert Bruce, qui détestait qu’on lui manque de respect et qu’on disait rancunier.
Mais, par chance, il ne parut pas prendre ombrage de l’apostrophe d’Elizabeth et lui répondit avec indulgence :
— Permission accordée, dame Elizabeth, car si votre demande est certes cavalière dans la forme, nous reconnaissons que vous avez beaucoup souffert dans cette malheureuse affaire. Qu’avez-vous à nous dire ?
Comme par miracle, la peur d’Elizabeth reflua, laissant la place à un calme profond. Après avoir fait un pas en avant, elle regarda le roi, puis les autres membres du tribunal, à l’exception d’Aubert et de lord Lennox.
— Votre Majesté, commença-t-elle d’une voix claire, je souhaite réfuter la déclaration de l’homme que vous venez d’interroger et qui s’est exprimé ainsi dans l’unique but de me protéger de votre juste courroux.
Elle s’interrompit un instant, priant pour qu’Alexandre la comprenne, puis, fixant le roi droit au fond des yeux, elle acheva d’un ton ferme :
— Car je vous jure que c’est bel et bien mon mari ... et que ce n’est pas lui gui est coupable de trahison envers le royaume d’Ecosse, mais moi , Elizabeth de Selkirk.
20
La déclaration d’Elizabeth provoqua la stupeur parmi l’assistance. N’en croyant pas ses oreilles, Alexandre s’était tourné vers la jeune femme, l’air horrifié. L’insensée ! Elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle encourait. Pour lui !
Sur un signe du capitaine des gardes, des hommes d’armes s’avancèrent vers Elizabeth et l’entourèrent. Alexandre se jeta en avant. Il aurait voulu la saisir aux
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