Le templier déchu
nettoyer correctement.
Il se tourna vers Richard, lui demanda brièvement d’ajouter quelques herbes au cataplasme qui serait appliqué plus tard.
— J’ai fait préparer un fer rougi pour gagner du temps, intervint Elizabeth.
Damien l’enveloppa d’un regard pénétrant et elle ressentit une émotion douce-amère en reconnaissant l’ombre d’Alexandre dans ses yeux.
— Vous avez fort bien fait, dame Elizabeth. Prions pour que, grâce à vous, mon frère se remette au plus vite de sa blessure.
— Vous devriez peut-être quitter la chapelle, madame, suggéra Jean. La cautérisation ne prendra guère de temps, mais c’est une opération très douloureuse pour le blessé.
Elizabeth le savait pertinemment, de même qu’elle savait à quel point voir Alexandre souffrir lui serait insupportable. Mais elle estimait ne pas avoir le choix.
— Il n’est pas question que je l’abandonne, messire Jean. Faites ce que vous avez à faire.
Richard était revenu avec le cataplasme réclamé par Damien. Après avoir échangé quelques mots, les trois hommes se positionnèrent autour d’Alexandre. Damien pria Elizabeth de verser le vin purificateur sur la plaie juste avant que celle-ci ne soit cautérisée, et elle accepta volontiers, heureuse de participer à sa manière.
Richard s’était placé derrière la tête d’Alexandre. Il se pencha pour le maintenir par les épaules tandis que Jean pesait sur ses jambes. Damien, la main protégée par des chiffons, s’empara du fer porté au rouge.
— Tenez-vous prêts, murmura-t-il, l’autre main maintenant toujours le tampon de charpie sur la blessure.
Ses compagnons assurèrent leur prise et se raidirent. Elizabeth tenait la cruche de vin chaud si fermement que ses jointures avaient blanchi. Tout son corps était tendu comme un arc.
— Attention... fit Damien.
Elizabeth plaça la cruche au-dessus de la plaie. Elle savait que le temps serait un facteur essentiel dès que Damien passerait à l’action.
— Maintenant !
Damien souleva le tampon de charpie, et Elizabeth versa le vin. Les larmes lui vinrent aux yeux comme Alexandre se tordait en réponse, enfin réveillé. Puis elle tituba en arrière à l’instant où le fer rouge entrait en contact avec la plaie. Les chairs se mirent à grésiller et un rugissement jaillit de la gorge du blessé qui se démena sur sa couche, s’efforçant d’échapper à l’emprise de ses camarades.
Aussitôt, Elizabeth se précipita vers lui, et se mit à caresser son visage devenu cireux. Rapidement, Damien posa le cataplasme sur la plaie, qu’il fit tenir avec un bandage. Alexandre haletait et gémissait. Elizabeth, la main posée sur son épaule valide, tentait de l’apaiser en le massant doucement.
Quand tout fut fini, Damien se redressa.
Alexandre venait de perdre connaissance. Il respirait à petits coups rapides, à présent. Les trois Templiers échangèrent des regards qui ne laissaient planer aucun doute sur leurs inquiétudes. Puis, sans mot dire, Jean et Richard remontèrent la nef pour s’approcher de l’autel.
Damien écouta encore un moment la respiration de son frère, puis il mit de côté les chiffons trempés de sang et le fer rouge et rejoignit ses amis. Les trois hommes s’agenouillèrent, inclinèrent la tête et commencèrent à prier.
Elizabeth ne supportait pas l’idée de quitter le chevet d’Alexandre. Elle demeura donc près de lui, à lui tenir la main, et se mit à prier de son côté, implorant le Ciel comme jamais elle ne l’avait fait.
C’était tout ce qu’elle pouvait faire désormais. Prier... et attendre.
18
Le soleil du matin filtrait par l’étroit vitrail de la chapelle, dessinant sur les dalles de pierre une mosaïque de couleurs, lorsque Elizabeth perçut enfin un mouvement chez Alexandre.
Étouffant la bouffée d’espoir qui montait en elle, elle secoua doucement Annabelle pour la réveiller et renvoya chercher une timbale du vin mêlé d’une décoction d’herbes médicinales qu’elle avait fait boire à Alexandre tout au long de la nuit.
Puis, à voix basse, elle appela Damien, Jean et Richard qui, eux aussi, avaient passé la nuit dans le petit édifice religieux converti en infirmerie.
Les trois Templiers quittèrent en hâte le banc sur lequel ils se reposaient pour se regrouper autour de la couchette. Les muscles engourdis et les articulations douloureuses d’être restée des heures durant lovée sur le sol, Elizabeth se redressa et prit la
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