Le templier déchu
férocité brutale qui échappait à tout contrôle. C’était aussi instinctif que de respirer. Et quand cela se produisait, cela finissait invariablement de deux façons : soit il se retrouvait dans une situation impossible, soit il ne s’en extirpait que grâce à son incroyable audace.
Restait à savoir comment les choses allaient tourner cette fois-ci.
Une heure plus tard, à la recherche d’Elizabeth, Alexandre gravit l’escalier qui menait aux étages supérieurs du château.
Il la trouva en compagnie de ses suivantes dans une salle qui servait visiblement aux travaux de couture.
Ces dames étaient si absorbées par leur tâche qu’elles ne remarquèrent pas son arrivée. Il s’immobilisa sur le seuil et observa Elizabeth, qui était occupée à broder avec un soin méticuleux un motif écarlate sur un morceau de tissu ivoire. Balayant la salle du regard, il se rendit compte que chaque femme travaillait sur une pièce individuelle et non sur la partie d’une grande pièce collective, comme il l’avait parfois vu faire. De temps à autre, elles échangeaient quelques mots à mi-voix. Quelquefois, l’une d’elles relevait la tête pour sourire à sa voisine, ou faire entendre un rire discret.
Il concentra son attention sur Elizabeth. Sa robe d’un bleu soutenu offrait un contraste saisissant avec la tapisserie aux teintes automnales suspendue derrière elle. Cette nuance lui allait à ravir et mettait merveilleusement en valeur son teint sans défaut et ses cheveux dorés.
Pardieu, c’était une vraie beauté !
Pour la première fois depuis une semaine, il s’autorisa à l’étudier à loisir. Très concentrée, elle se mordillait la lèvre, tirant sur l’aiguille de manière méthodique, ses gestes habiles et gracieux, presque sensuels dans leur régularité. L’extrémité de sa longue manche dansait à quelques centimètres du sol, et une petite boucle blonde, échappée de sa chevelure coiffée en une natte épaisse, caressait sa joue veloutée.
Il aurait préféré que ses cheveux cascadent librement sur son dos, comme ce premier soir, lorsqu’elle s’était dévêtue devant lui. C’était un spectacle si magnifique qu’il envisageait de lui demander de ne plus jamais s’attacher les cheveux en sa présence.
Après tout, un mari avait le droit d’avoir ce genre d’exigence. Il avait des droits dans bien des domaines en tant que seigneur du château, et devait exercer pleinement son pouvoir s’il voulait mener à bien sa mission – son altercation avec Lucas n’avait fait que le lui rappeler.
L’heure était venue de courtiser dame Elizabeth de Selkirk et de déployer tous ses talents de séducteur pour la charmer.
Il savait comment procéder. Il commencerait par l’entourer d’attentions, la câliner, l’enjôler. Et quand il en aurait fini, Elizabeth serait en proie à un désir si dévorant qu’il ne lui viendrait plus à l’idée de douter de son identité. Dieu lui pardonne, mais il n’avait pas le choix. Tout le monde, y compris Jean, avait à y gagner.
Avec les femmes, Alexandre n’avait jamais eu de mal à séparer les sentiments des actes. Du moins, pas depuis qu’il avait perdu son premier amour, dame Margaret Newcomb. Pour autant, il n’avait jamais fait preuve de brutalité envers le beau sexe, et jamais il n’aurait permis que l’on manque de respect à une femme en sa présence. Il s’était cependant toujours gardé de laisser intervenir des sentiments profonds.
Il n’y avait pas de raison qu’il en aille autrement cette fois-ci. Il accomplirait la mission qu’on lui avait confiée avec tout le détachement nécessaire. Il le fallait.
Ce premier soir avait été une incongruité, rien de plus. La compassion inattendue dont Elizabeth avait fait montre à la vue de ses cicatrices l’avait tellement pris au dépourvu qu’il avait vacillé sur sa base.
Mais il ferait en sorte que cela ne se reproduise pas. Il ne pouvait se le permettre.
Et le moment lui semblait bien choisi pour mettre sa détermination à l’épreuve.
5
Elizabeth perçut un subtil changement d’atmosphère dans la salle de couture lorsque, levant la tête, elle surprit l’expression stupéfaite d’Annabelle. Quelques suivantes, qui devisaient à mi-voix, cessèrent de parler, et Johanna eut un mouvement si brusque qu’elle envoya son panier à couture rouler sur le sol.
Elizabeth suivit la direction du regard d’Annabelle.
Robert se tenait sur le
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