Le templier déchu
la prochaine fois que vous souhaiterez m’éviter.
— Que faites-vous là ? s’écria Elizabeth.
Elle se redressa en position assise, envoyant voler les pétales de rose que Robert avait fait tomber en pluie sur elle avant de faire connaître sa présence. Elle se sentait un peu étourdie, comme lorsqu’on s’éveille brutalement d’un rêve. Appuyé avec nonchalance au treillage, Robert la dévisageait en souriant.
— Je suis venu vous chercher, pour tenir ma promesse après votre victoire, bien sûr. Dites-moi, enchaîna-t-il, ces pétales de rose sont-ils ceux dont vous vous servez pour fabriquer vos paillettes de savon ? Leur parfum me semble familier.
Elle hocha la tête, déconcertée. S’écartant du treillage, il s’approcha.
— Ne bougez pas, fit-il comme elle ébauchait un mouvement. Je vais m’asseoir un peu près de vous si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
— Je n’en vois pas.
Elle s’aperçut alors qu’il tenait à la main un large panier d’osier muni d’un couvercle. Intriguée, elle demanda :
— Qu’avez-vous donc là ?
— Une partie de votre récompense.
Il s’assit, et elle décida de se taire plutôt que de poser des questions stupides, le genre de questions qui semblaient lui venir tout naturellement dès qu’elle se trouvait en sa présence. S’il voulait lui révéler ce que contenait le panier, il le ferait en temps voulu.
— N’êtes-vous pas curieuse ? lui demanda-t-il enfin d’un ton taquin.
Une odeur alléchante s’échappait du panier. L’estomac d’Elizabeth se mit à gronder et elle rougit, confuse. Son dernier repas remontait à quelques heures, mais on aurait pu croire qu’elle jeûnait depuis plusieurs jours.
Prenant le risque de se ridiculiser davantage, elle répondit :
— Je suis un peu curieuse, je l’avoue. Y aurait-il par hasard de la nourriture dans ce panier ?
— J ’ai bien cru que vous ne le demanderiez jamais !
Il ouvrit le couvercle, révélant un véritable festin qui fit saliver Elizabeth. Il commença par sortir une nappe qu’il étala avec soin sur l’herbe. Puis il y disposa une tourte à la viande bien dorée, des merises nichées dans un mouchoir noué, une grosse miche de pain encore tiède, et plusieurs tranches d’un fromage à la croûte brune. Enfin, il exhuma une petite outre de vin rouge, ainsi que deux serviettes.
— Seigneur, c’est... magnifique ! s’extasia Elizabeth. C’est très attentionné de votre part d’avoir pensé à apporter tout cela. Cela ne vous ennuie pas de dîner dehors ? Alors qu’il fait presque nuit ?
— Je trouve le cadre très agréable.
— Il est vrai que c’est un jardin d’agrément , convint-elle en riant.
— Vous voyez. Toutefois, si vous voulez bien patienter encore un peu, je peux remédier au seul petit inconvénient peut-être...
Il se releva, gagna la barrière, et disparut derrière le mur. Lorsqu’il revint, il tenait dans chaque main une lanterne allumée.
— Et voilà ! fit-il en déposant les lanternes sur l’herbe, au bord de la nappe. C’est tout de même mieux quand on voit ce que l’on mange, non ?
Il s’assit de nouveau, sortit un couteau, et entreprit de découper la tourte.
— À cet instant, un son porté par la brise vespérale parvint aux oreilles d’Elizabeth. C’était une chanson d’amour qu’elle connaissait bien, mais si incongrue dans un tel endroit qu’elle mit un moment avant de comprendre et de jeter à Robert un regard perplexe.
Souriant, il expliqua :
— J’ai demandé au ménestrel d’apporter son luth et de jouer un peu pour nous. Il est posté quelque part derrière le mur. Il avait pour ordre de commencer dès que je récupérerais les lanternes.
Elizabeth n’aurait pas été plus surprise s’il lui avait annoncé que le roi d’Écosse en personne venait d’arriver. Remarquant son expression, il reprit :
— J’ai juste pensé qu’un peu de musique ajouterait au plaisir de ce repas, madame.
— Vous semblez avoir pensé à tout.
— Et ce n’est que le début !
Sa voix grave et le regard intense dont il l’enveloppait la firent rougir.
Embarrassée, elle ne sut si elle devait rire ou pleurer. L’ancien Robert n’aurait jamais fait montre d’une telle imagination, que ce soit pour son propre plaisir ou celui de son épouse. Cela ravissait Elizabeth tout en la mettant mal à l’aise. Quoi qu’il en soit, elle s’amusait, et il n’y avait pas de mal à cela. Après
Weitere Kostenlose Bücher