Le templier déchu
pour vous, messire ? demanda-t-elle, les yeux respectueusement baissés.
— J’aimerais savoir où se trouve votre maîtresse.
Elle lui adressa un coup d’œil surpris.
— Ma... ma maîtresse ?
— Oui. Je l’attendais pour souper et je m’étonne qu’elle n’ait pas encore paru à table.
Annabelle fixait de nouveau les dalles de pierre. Alexandre réprima un soupir. Cela devenait ridicule. Il se pencha pour obliger la suivante à croiser son regard.
— Savez-vous ce qui se passe ? Serait-elle souffrante ?
Annabelle se redressa enfin et, soulagé, il put reprendre une position normale. Il faillit la remercier, puis se rappela que le seigneur du château ne s’abaissait pas à remercier des inférieurs. Et que ceux-ci ne s’y attendaient pas. À vrai dire, il aurait dû tancer la jeune fille pour sa réticence manifeste à lui répondre à ses questions.
Annabelle toussota avant de murmurer :
— Dame Elizabeth s’est plainte tout à l’heure de... manquer d’appétit, messire.
Une piètre excuse, songea-t-il, franchement irrité. Un subit accès de lâcheté, voilà ce dont elle souffrait ! Il ne laissa toutefois pas voir son scepticisme.
— J’espère qu’elle ne va pas tomber malade, dit-il, s’efforçant de paraître sincèrement inquiet. Ne croyez-vous pas que nous devrions faire venir un chirurgien pour l’examiner ?
— Oh... non, messire ! Ce n’est vraiment pas... Je veux dire, dame Elizabeth est un peu fatiguée, c’est tout. Votre retour à Dunleavy l’a bouleversée, c’est naturel. Et elle m’a confié avoir peu dormi ces derniers temps...
Annabelle s’interrompit. Elle venait visiblement de s’apercevoir que ce commentaire sur les nuits de sa maîtresse était, quoique à son corps défendant, lourd de sous-entendus.
— Pardonnez-moi, messire ! Je ne voulais pas vous manquer de respect, souffla-t-elle, les joues écarlates.
— Je ne me suis pas senti offensé, la rassura bien vite Alexandre de crainte qu’elle ne s’évanouisse à ses pieds. Je vais à présent aller retrouver dame Elizabeth dans notre chambre afin de vérifier qu’elle va bien. Je vous remercie de...
— Je vous demande pardon, messire, mais... je ne crois pas que vous la trouverez là-bas.
Il haussa les sourcils.
— Et pourquoi cela ?
Annabelle était de plus en plus nerveuse.
— Parce que... je crois qu’elle est partie faire une promenade à cheval... pour prendre l’air... et retrouver son appétit, évidemment.
— Évidemment.
Intéressant, nota-t-il. Jamais, depuis son arrivée, Elizabeth n’était allée chevaucher comme elle aimait pourtant à le faire à en croire les agents du comte d’Exford. Et voilà qu’elle choisissait de partir en promenade ce soir, alors qu’il était censé lui remettre son « prix »...
Alexandre repoussa son siège et se leva, dominant de toute sa taille la pauvre Annabelle qui avait l’air d’un lapin terrorisé.
— Vous pouvez rejoindre votre table, damoiselle Annabelle. Je vais quant à moi faire un détour par l’écurie, au cas où ma femme viendrait de rentrer et serait désireuse de se restaurer un peu, sa promenade à cheval lui ayant ouvert l’appétit.
Lèvres pincées, Annabelle acquiesça sans mot dire. Elle lui lança un regard par en dessous, comme si elle cherchait à le jauger, puis, finalement, déclara :
— Je crois, messire, que vous devriez faire aussi un détour par le jardin d’agrément. Durant votre absence, dame Elizabeth a pris l’habitude de passer un peu de temps là-bas après sa promenade quotidienne.
Masquant sa surprise, Alexandre remercia la jeune fille d’un hochement de tête. Après une rapide révérence, elle s’éloigna, un petit sourire énigmatique aux lèvres. Alexandre la suivait encore d’un regard stupéfait lorsqu’un page s’approcha pour lui demander s’il avait besoin de quelque chose. Secouant la tête, il descendit de l’estrade sur laquelle se trouvait la table des châtelains et traversa la salle à grandes enjambées.
Il emprunta le couloir qui menait aux cuisines, où il s’arrêta, puis sortit du donjon et longea la cour intérieure qui se prolongeait par un ravissant jardin d’agrément ceint de murs, juste à côté du verger.
Si le potager du château était un endroit agréable avec ses carrés d’herbes aromatiques qui embaumaient et ses fleurs médicinales multicolores, le jardin d’agrément était quant à lui un lieu serein, d’une
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