Le templier déchu
Elizabeth, le capitaine des gardes et quatre sentinelles se postèrent sur le chemin de ronde pour regarder Lucas quitter le château, escorté par une demi-douzaine d’hommes d’armes. Ils avaient pour ordre de l’amener jusqu’à la frontière du domaine. Une fois là-bas, il serait libéré et livré à lui-même, sans protection d’aucune sorte.
Auparavant, devant les villageois et les habitants du château rassemblés, Lucas s’était vu signifier que si, d’aventure, il revenait à Dunleavy, ce serait au péril de sa vie.
Seuls Alexandre et Stephen savaient que cette menace était vaine. Bien sûr que Lucas reviendrait. Et avec lui les troupes anglaises qui n’attendaient qu’un signal pour déferler sur Dunleavy et mettre le château à feu et à sang. Mais les villageois l’ignoraient. Ils faisaient confiance à leur seigneur et ne se doutaient aucunement de l’horreur qui, sous peu, s’abattrait sur eux.
Alexandre en avait la nausée.
Il s’était creusé la cervelle des heures durant à la recherche d’une idée, d’une solution, n’importe laquelle, qui lui aurait au moins permis d’avertir Elizabeth et ses gens du danger qui les menaçait.
Mais il avait les mains liées. Il n’était pas question de dire la vérité. Les villageois, indignés, le cloueraient au pilori et le massacreraient, et dans la foulée, Jean serait exécuté par les hommes d’Exford.
Alexandre était seul. Il n’avait personne vers qui se tourner, aucun ami pour l’aider. Il était piégé, sans espoir de s’échapper.
Comme il tournait la tête, son regard croisa celui d’Elizabeth. Ses grands yeux gris reflétaient une inquiétude semblable à la sienne, et il ne put s’empêcher de s’interroger. Ses craintes étaient-elles dues au bannissement de Lucas, ou aux doutes qu’elle nourrissait encore à son sujet ?
Quelle que soit la réponse, il ne pouvait prendre aucun risque. Il n’avait d’autre choix que de continuer à lui mentir, à s’embourber plus profondément, à chaque minute qui passait, dans la fange de sa propre félonie.
Mais dès qu’il fermait les yeux et s’efforçait de réfléchir à la meilleure façon de gagner sa confiance, il la revoyait au plus fort du plaisir, bouleversante de beauté dans la lumière irréelle dispensée par les lanternes. Alors le désir le submergeait une fois de plus. Et il éprouvait non seulement l’envie irrépressible de la posséder de toutes les manières imaginables, mais aussi de la protéger contre tous ceux qui pourraient lui vouloir du mal.
Il tressaillit soudain en sentant la main légère de la jeune femme sur son bras. Arraché à ses pensées, il comprit qu’elle était prête à rentrer. Hochant la tête, il lui prit le bras et, la mâchoire crispée, la nuque raide, il l’escorta jusque dans la grande salle commune.
Un menteur. Un hypocrite. Un traître. Et un espion. Voilà ce qu’il était.
Oui, il était passé maître dans l’art de feindre. Il ne restait qu’un seul domaine où il ne simulait pas, quand bien même il l’aurait voulu.
Celui des sentiments qu’il éprouvait pour Elizabeth. Des sentiments qui avaient éclos dans son cœur et grandissaient sans qu’il puisse rien faire pour les étouffer.
8
Quatre semaines plus tard
Il était presque l’heure.
Elizabeth fit signe aux deux jeunes domestiques qui avaient monté les brocs d’eau chaude dans la chambre, pour leur signifier qu’ils avaient la permission de retourner vaquer à leurs corvées habituelles. Ceux-ci s’inclinèrent de manière cérémonieuse, mais ne purent s’empêcher de sourire d’une oreille à l’autre en échangeant un coup d’œil entendu. Thomas, le plus âgé, décocha même un petit coup de coude à Henri, et ils demeurèrent dans la même position jusqu’à ce qu’Annabelle les chasse de la pièce.
Elizabeth savait ce qui les faisait sourire ainsi. D’ordinaire, en effet, elle procédait à ses ablutions le soir, après sa promenade à cheval. Mais aujourd’hui, le bain avait été commandé le matin, et ceci pour deux raisons. La première, c’était qu’aujourd’hui devait avoir lieu le grand festin préparé en l’honneur du retour de Robert, un événement auquel tous leurs voisins d’importance avaient été conviés.
La deuxième, c’était que la veille, pour la toute première fois, Robert l’avait battue à la marelle. Et ce bain constituait une partie de sa récompense.
Annabelle prêtait
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