Le templier déchu
assener un brutal coup de coude sur la tempe de Lucas.
À moitié assommé, celui-ci perdit l’équilibre.
L’occasion était trop belle. Alexandre plongea en avant et frappa Lucas de son épée, encore et encore. Les coups pleuvaient de tous les angles possibles, en haut, en bas, de côté. Au début, Lucas parvint à les parer, mais Alexandre ne faiblissait pas, au contraire, même, sa cadence s’accélérait. Infatigable, il prenait des risques, bondissait, pivotait, pour mieux harceler son adversaire.
Il ne sentait plus son bras, et ce n’est qu’après avoir forcé Lucas à reculer d’un pas supplémentaire qu’il consentit à marquer une pause. Encore en position de combat, il respirait bruyamment. En face de lui, Lucas tremblait d’épuisement.
Un grand silence enveloppa les deux adversaires, et le temps parut se suspendre. Puis, comme dans un rêve, Lucas leva son épée à deux mains en rugissant tandis qu’Alexandre brandissait la sienne une dernière fois. Ils plongèrent en avant. La lame d’Alexandre décrivit un arc de cercle parfait avant de se ficher profondément dans le flanc de Lucas, entre son plastron métallique et la plus basse côte. Puis, d’un ample geste du bras, il arracha la lame de son fourreau de chair.
Lucas avait tressauté sous l’impact mortel en laissant échapper un son étranglé. Son épée tomba à terre, et il demeura inerte, les traits figés par la surprise tandis que le sang coulait à flots de sa blessure béante. Puis son bras se détendit d’un coup et il agrippa Alexandre par sa tunique. Dans son regard luisant de haine, la mort était déjà à l’œuvre. Sa bouche se tordit en un rictus mauvais.
— Je... ne peux pas croire... que tu m’aies battu, salaud, articula-t-il.
Il tomba à genoux, entraînant Alexandre dans son mouvement.
— C’est fini, Lucas, dit-il en tentant de lui faire lâcher prise. Sache que je prierai pour que le Seigneur te prenne en pitié et accorde le repos à ton âme éternelle.
Lucas eut un rire proche du gargouillis. Un peu d’écume rosâtre apparut au bord de ses lèvres. Agrippant toujours la tunique d’Alexandre il coassa :
— Prie plutôt pour ton âme, Alexandre... car tu vas rôtir en enfer avec moi !
Alexandre sentit plutôt qu’il ne vit Lucas lever son bras libre, puis il perçut la morsure froide d’une dague dont la lame s’enfonçait dans sa poitrine, juste sous l’épaule.
Lucas sourit de nouveau alors qu’il croisait son regard stupéfait. Puis la lumière s’éteignit dans ses yeux. Sa tête retomba en arrière, et il s’affala dans la poussière.
Alexandre regarda sa poitrine avec un détachement incompréhensible. Comme à distance, il se rendit compte que c’était son propre sang qui formait sur le blanc de sa tunique une tache rouge qui s’élargissait rapidement. Une odeur métallique douceâtre lui imprégnait les narines. Il vit des gouttes tomber sur les plaques qui protégeaient ses cuisses. Alors qu’il vacillait, le bourdonnement s’intensifia dans ses oreilles, et sa vision s’obscurcit.
Juste avant de perdre conscience, il réussit à lever les yeux sur les murailles de Dunleavy où il aperçut une tache écarlate. Une dernière pensée le crucifia. C’était Elizabeth qui se tenait là-haut... et il avait trahi sa promesse.
Ô Seigneur, il avait trahi sa promesse !
Et il s’effondra.
Les mains d’Elizabeth tremblaient tant qu’elle faillit lâcher le panier qui contenait le nécessaire pour suturer les plaies du blessé.
Quatre soldats de Dunleavy étaient en train de transporter Alexandre dans la petite chapelle, qui se trouvait être le bâtiment le plus proche du pont-levis. Il régnait aux alentours une grande effervescence, à présent que la bataille était terminée. Cela semblait impossible, et pourtant c’était vrai... Les Anglais avaient sonné la retraite un peu plus tôt. Ils n’avaient pas eu le choix, le comte d’Exford ayant rendu l’âme peu après la défaite de Lucas. Les blessés, ceux de Dunleavy comme les Templiers, avaient été transportés à la hâte à l’intérieur du mur d’enceinte tandis que l’ennemi se retranchait dans les bois.
Cela avait été une véritable déroute. Dunleavy avait été sauvé grâce à la magnifique défense menée par Alexandre et ses frères Templiers, combinée aux efforts des soldats de la garnison du château.
Mais à quel prix ?
Un prix bien trop élevé si Alexandre devait le
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