Le templier déchu
payer de sa vie, songeait Elizabeth en priant Dieu de l’épargner.
Elle pénétra dans la chapelle à la suite des soldats qui portaient ce dernier.
— Allongez-le là, leur ordonna-t-elle en désignant la couchette qu’elle avait fait préparer à son intention dès qu’elle l’avait vu tomber à terre, sa tunique imbibée de sang.
Se précipitant à son chevet, elle appuya un tampon de charpie sur sa blessure en s’efforçant de juguler la panique qui menaçait de la submerger. Le vin chaud, le fer rougi au feu, le cataplasme et les bandages propres qu’elle avait réclamés à Annabelle n’allaient pas tarder à lui être apportés. Elle se pencha sur le blessé pour lui effleurer fugitivement le front des lèvres. Sa peau était froide et, sans l’infime mouvement qui soulevait sa poitrine à chaque respiration, elle l’aurait cru mort.
Se tournant vers les quelques domestiques rassemblés près de la porte de la chapelle, elle vitupéra :
— Où sont les affaires que j’ai demandées ? Mettez-vous en quête d’Annabelle et dites-lui de se presser un peu !
Reportant son attention sur Alexandre, elle essaya de lui ôter sa tunique poissée de sang. Il y en avait tellement qu’il était difficile de discerner la croix écarlate brodée sur la poitrine. Il gémit lorsqu’elle voulut lui déplacer le bras et elle sentit les larmes lui brûler les yeux.
Seigneur, non, elle ne pouvait pas se débrouiller seule ! Elle avait besoin d’aide. Elle avait besoin...
— Dame Elizabeth ?
La vision brouillée par les larmes, elle tourna les yeux vers celui qui venait de s’agenouiller à côté d’elle, et se retrouva face à un guerrier au visage couronné de cheveux blonds. On eût dit un archange. Il portait la tunique des Templiers, et l’inquiétude se lisait dans ses yeux bleus. Des yeux si semblables à ceux d’Alexandre qu’Elizabeth murmura :
— Êtes-vous messire Damien ?
— Oui.
Déjà, il inspectait le blessé et jugeait de la gravité de sa plaie avec l’assurance et l’habileté d’un soldat chevronné.
— Comment va-t-il ? s’enquit un autre Templier qui venait d’apparaitre derrière messire Damien.
Il était tout aussi grand et robuste que les frères Ashby, mais légèrement plus âgé, et plus brun. Un troisième chevalier aux cheveux blond roux se matérialisa à son côté.
— Je ne sais pas encore, répondit Damien. Laissez-moi le temps de l’examiner.
Il acheva d’enlever la tunique à son frère, puis s’occupa de son haubert et du reste de ses vêtements, secondé par Elizabeth et une servante qu’il avait appelée à la rescousse d’un geste impérieux.
L’homme aux cheveux bruns s’agenouilla près de la jeune femme et se présenta :
— Je suis messire Richard, et voici messire Jean.
Le troisième Templier salua Elizabeth d’un signe de tête. Elle devina qu’il s’agissait de l’homme qui avait été capturé par les Anglais, celui qu’Alexandre avait eu l’espoir de sauver en quittant Dunleavy.
La compagnie de ces trois hommes lui procura un certain réconfort. Elle les laissa s’affairer autour d’Alexandre dont elle se contenta de tenir la main.
Lorsque les objets qu’elle avait demandés arrivèrent enfin, messire Richard murmura :
— Il vaudrait peut-être mieux que vous nous laissiez nous occuper de lui seuls, madame. Nous avons l’habitude de traiter les blessures reçues sur le champ de bataille, et il serait mieux pour Alexandre que nous agissions sans délai.
— Je ne le quitterai pas, déclara Elizabeth d’une voix étranglée. Mais je ferai mon possible pour vous seconder.
Changeant de position, elle se plaça près de la tête d’Alexandre et se mit à lui caresser le front et les joues avec douceur tout en lui chuchotant des paroles d’encouragement. Il était maintenant dénudé jusqu’à la taille et une partie du sang coagulé avait été nettoyée autour de sa blessure. Damien continuait d’appuyer de la main sur le tampon de charpie afin d’empêcher le sang de s’écouler, mais chaque fois qu’il diminuait la pression, le flot écarlate jaillissait de nouveau.
— Il faut cautériser, sinon l’épanchement ne pourra être contenu, murmura-t-il, l’air soucieux. Je ne pense pas que le poumon ait été atteint – sa cotte de maille et l’os semblent avoir fait dévier la lame –, mais la plaie saigne abondamment et les chairs risquent de se putréfier si nous ne parvenons pas à la
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