Le temps des adieux
et passa enfin aux choses sérieuses.) Bon, reprenons depuis le début : ce pichet que tu as donné à Didius Falco…
— À la vérité, c’est à sa charmante collègue que je l’ai donné. Toute votre enquête tourne-t-elle autour de ce pichet de verre ? s’étonna-t-elle de nouveau.
— Charmante collègue, Falco ?
— Helena, précisai-je, effaçant du même coup son sourire idiot.
— C’est d’ailleurs uniquement à elle que j’ai parlé, précisa la jeune femme.
— Uniquement à elle, vraiment ?
— À chacun ses méthodes, tranchai-je.
— Ce pichet… reprit-il d’un ton sévère en se retournant vers Milvia.
— A été apporté à la maison par mon mari, le coupa-t-elle.
— Florius, donc. Qui le tenait lui-même de qui ?
— D’une de ses connaissances…
— D’un mystérieux bienfaiteur. Et tu n’as pas cherché à savoir de qui il s’agissait ?
— Pourquoi ? Il semblait tenir à rester dans le vague.
— Florius a l’habitude de garder ses petites histoires pour lui ?
— Pas spécialement.
— Tu discutes avec lui de ses occupations quotidiennes ?
— Non, pas beaucoup.
Consciente de la façon dont sa réponse pouvait être interprétée, Milvia baissa soudain les yeux.
— Je trouve ça très triste, commenta sobrement Petronius.
— Ne sois donc pas indiscret.
— C’est une simple constatation, dit-il.
— Il n’y a aucun problème entre nous ! s’écria Milvia sur la défensive.
— Mais il n’y a pas non plus de vraie intimité, insista Petro d’un ton plutôt réjoui.
— Nous sommes très bons amis.
— Et d’autres bons amis de Florius lui offrent des cadeaux de grand prix.
Nous gardâmes tous les trois le silence pendant quelques instants. Le regard de Milvia se posa sur Petronius, puis sur moi, avant de revenir sur lui.
— Je me suis trompée. Vous êtes de vrais représentants de la loi.
— Si tu n’as rien à te reprocher, ça ne devrait pas t’inquiéter. Est-ce que le cadeau venait d’une femme ? demandai-je ensuite.
Je ne voyais désormais aucune raison de la ménager. Si son mariage était important à ses yeux, nous venions peut-être de le détruire en proférant deux ou trois remarques insidieuses. Même si Florius était aussi chaste que la rosée du matin, leurs relations risquaient d’être envenimées par les soupçons que nous venions d’éveiller chez Milvia.
— Crois-tu que ton mari a accepté ce cadeau d’une femme ? insistai-je.
— Non, je ne crois pas.
— Mais tu n’en es pas sûre ?
— Ce n’est pas l’impression que j’ai eue. Vous pensez à une femme en particulier ? parvint-elle à demander avec beaucoup d’ironie.
— Non. C’est à toi de poser la question à Florius, déclara mon ami.
— Si la réponse vous importe tellement, articula-t-elle avec plus de fermeté que je ne lui en supposais, vous n’avez qu’à vous adresser directement à lui.
Petronius afficha un aimable sourire.
— C’est bien ce que je compte faire.
Malheureusement, Florius n’était pas à la maison.
Petronius se montra particulièrement obstiné. Rien ne pouvait le détourner de la tâche qu’il s’était fixée : retracer le chemin parcouru par le pichet syrien depuis qu’il avait été volé à mon père à l’Emporium, jusqu’à son arrivée dans la maison de Milvia. Quand nous nous retrouvâmes dans la rue, il me confia qu’il comptait bien revenir le soir même pour interroger Florius en personne. Je l’assurai que j’allais prendre des dispositions pour l’accompagner, mais il refusa : le mari de Milvia était un faible, un témoin serait superflu.
— Ah ! Je ne suis pas tombé de la dernière pluie. Je sais ce que tu mijotes, espèce de dépravé !
Petronius rétorqua finement qu’au lieu de débiter des calomnies, je ferais mieux de consacrer un peu de temps à la recherche de ma nièce.
En réalité, je me rendis aux thermes du temple de Castor, où je passai plusieurs heures à m’entraîner avec Glaucus. Mon épaule démise me lançait toujours, mais ne m’empêchait pas de pratiquer un certain nombre d’exercices.
Je tenais à garder la meilleure forme possible. Nous commencions à marquer quelques points dans cette enquête délicate, et des réactions brutales étaient prévisibles. J’avais deviné que Petronius partageait mon appréhension. Cependant, si son idée de se maintenir en forme était un intermède romantique
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