Le temps des adieux
véreux…
Nous étions restés à nous chamailler devant la maison qui allait être confisquée à Flaccida. Ce qui ne me gênait pas le moins du monde. Au contraire, les disputes avec Helena avaient un effet bienfaisant sur moi. Tant qu’elle penserait que je valais la peine qu’on se dispute, j’envisagerais l’avenir avec un certain espoir.
— Tu n’as rien appris d’elle, mais tu l’as aimablement informée des tenants et aboutissants de ton enquête. En soulignant bien que tu n’étais pas en mesure de prouver quoi que ce soit ! C’est complètement nul ! s’exclama-t-elle, toujours en colère. Il faut qu’on aille voir la fille immédiatement ! Avant que sa mère ait le temps de la prévenir. Et quand on sera chez elle, tu vas me laisser lui parler !
Mener des enquêtes en compagnie d’Helena s’était toujours avéré amusant. Je lui cédai sans émettre la moindre réserve, et nous nous mîmes en route d’un pas décidé.
Milvia et son joueur de mari n’habitaient pas loin de là. Peut-être était-ce la raison pour laquelle Balbinus avait remarqué le jeune membre de l’ordre équestre auquel il avait marié sa fille.
Nous eûmes tout loisir de constater que la demeure du gendre était encore plus vaste et plus richement décorée que celle de Balbinus. Nous risquions donc d’être éconduits encore plus rapidement.
Le mari était sorti. Nous fûmes reçus par la fille. Elle était âgée d’une vingtaine d’années, très brune, dotée d’un visage intelligent. Très jolie, elle ne ressemblait ni à son père ni à sa mère. Elle avait revêtu une robe extrêmement coûteuse de soie violette brodée de motifs en fil d’argent. Pas vraiment pratique pour manger des poires cuites dans un sirop au miel.
C’est pourtant ce que nous la trouvâmes en train de faire. Il était clair que la jeune Milvia n’avait jamais eu à se soucier des factures de la blanchisserie. Son bijoutier avait un goût plus raffiné que celui de sa mère. Elle portait une parure complète de bijoux grecs anciens en or, y compris un diadème dans ses cheveux frisés à toutes petites boucles.
Elle nous reçut sans chaperon. Impossible de constater si les domestiques étaient mieux traités que ceux de sa mère. Mais d’après l’expression de son visage, je pensais que oui.
Prenant la direction des opérations, comme elle en avait manifesté la volonté, Helena commença par lui adresser un sourire à briser la glace.
— Je suis désolée de venir t’importuner. Tu dois avoir beaucoup d’occupations. L’homme qui m’accompagne est Didius Falco. Un comité très important l’a chargé de mener une enquête. Il va rester tranquillement assis tandis que nous allons bavarder toutes les deux. Ne te soucie pas de lui. On a pensé en haut lieu que tu préférerais être interrogée par une femme. C’est la raison de ma présence ici.
— J’essaierai de t’aider au mieux, assura la fille aux yeux innocents, comme si elle s’apprêtait à tirer une tombola destinée à élever une nouvelle statue à Junon.
— Merci. J’aimerais tout d’abord m’assurer que les détails qu’on m’a fournis sont exacts… Tu es bien Balbina Milvia, la fille de Balbinus Pius et de Cornella Flaccida, maintenant mariée à Gaius Florius Oppicus ?
— Oui, c’est bien moi, dit-elle, avec l’air ravi de quelqu’un qui se sent soudain plus important.
— Bien sûr, poursuivit Helena, les difficultés qui ont récemment secoué ta famille ne sont un secret pour personne. Ça a dû te causer un affreux choc d’apprendre les accusations portées contre ton père.
Son beau visage s’assombrit à ce rappel. La jolie petite bouche fit la moue.
— Je n’en ai rien cru ! protesta Milvia. C’est un tissu de mensonges fabriqué par ses ennemis.
Helena continua son interrogatoire d’une voix grave et raisonnable :
— Et pourtant, comment crois-tu que ton père ait pu se créer de tels ennemis ? (La fille de Balbinus fut agitée d’un frisson.) Tu le sais, on ne choisit pas sa famille. (Helena se montrait compatissante.) Et quelquefois, il est plus difficile pour les proches de saisir la vérité. J’en sais quelque chose moi-même.
Helena se montrait sincère. Un de ses oncles avait trempé dans un complot et été accusé de trahison, tout comme le mari dont elle avait divorcé.
— Je peux constater que ton père t’a assuré une éducation parfaite. Et je suis certaine que c’est
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