Le temps des adieux
Nous emportâmes le pichet avec nous sans la moindre hésitation.
35
— Eh bien, voilà comment on mène un interrogatoire, se vanta Helena, alors que nous rentrions pedibus Cour de la Fontaine.
— J’avoue que je suis très impressionné. Si j’avais su me montrer aussi habile pour interroger la mère, qui sait combien de cadeaux on aurait rapportés à la maison !
Je vis Helena se pencher pour passer sous une série de seaux suspendus devant une boutique.
— D’accord c’est le hasard qui nous a mis ce pichet entre les mains. Je suis lucide, tu sais.
— Tu es une perle.
— J’ai tout de même obtenu plus de renseignements que toi.
— De quels renseignements parles-tu ? La mère a catégoriquement refusé de nous aider, et la fille a battu des cils en nous disant qu’elle serait heureuse de répondre à toutes nos questions – mais elle n’était soi-disant au courant de rien ! Leur tactique était différente, le résultat identique.
— Elle m’a paru sincère, Marcus. Elle ne pouvait pas savoir que ce pichet avait été volé.
— Elle ne pouvait pas deviner que c’est à nous qu’il avait été volé ! la corrigeai-je.
Et j’avais conscience de m’expliquer comme un vieux pater familias romain un peu pédant. Helena se moqua d’ailleurs de moi en sautant par-dessus un obstacle.
Je ne pouvais pas l’imiter, car c’est moi qui portais le pichet.
Tandis qu’Helena se rendait chez Maia pour récupérer le bébé abandonné et demander si Tertulla avait réapparu, je décidai d’aller montrer ce pichet à Petronius. Il le prit dans ses grosses pattes sans beaucoup de précautions, et je transpirais à l’idée qu’il le laisserait tomber par inadvertance.
— Qu’est-ce que c’est ? s’étonna-t-il.
— Un cadeau de Milvia. La dernière fois que j’ai jeté les yeux dessus, il appartenait à mon père.
— Tu as déjà interrogé Milvia ? Tu as fait vite. Je viens tout juste d’envoyer Porcius te rejoindre chez toi.
— Oui, je travaille vite, acquiesçai-je, sans lui signaler que je m’étais fait accompagner de mon propre témoin. La charmante épouse de Florius m’a dit qu’ils avaient reçu ce pichet comme présent.
— Tu la crois ?
— J’ai cessé de croire les filles à l’âge de quatorze ans.
Mon vieux camarade n’était pas du genre à prendre des décisions hâtives. Il se plongea donc dans une profonde réflexion, pour finir par dire :
— Ce pichet de verre appartenait à la cargaison dérobée à Geminus. Aujourd’hui, tu l’as retrouvé chez Milvia et Florius. Mais nous ne savons pas exactement comment il est arrivé là.
— Je suis d’accord avec toi. On ne peut pas exclure qu’il s’agisse vraiment d’un cadeau dont elle ignorait l’origine.
Petronius s’adressa alors à ses hommes qui avaient assisté à notre échange.
— On va procéder à des perquisitions dans les maisons de tous les chefs de bandes connus, en incluant la résidence de Milvia. Il ne faut pas qu’elle se sente la seule visée. Ça doit avoir l’air d’une enquête de routine à la suite du cambriolage de l’Emporium. Je suis sûr que cette opération nous permettra de mettre la main sur d’intéressants trophées. Pas question de mentionner le pichet pour l’instant.
— C’est une bonne idée. Mais les cambrioleurs ont eu le temps de se partager le butin et ils doivent être pressés de vendre leur part.
— Falco a raison, concéda Petronius. Il va aussi falloir fouiller les boutiques des receleurs connus.
— Et ouvrez l’œil pour repérer un objet qui n’est pas sur votre liste, ajoutai-je. Il est en or et vaut une fortune.
Je leur décrivis en détail le cadeau d’anniversaire que j’avais acheté pour Helena. Ils m’écoutèrent avec beaucoup d’attention, sans se gêner toutefois pour se moquer de mon extravagance.
— Un cadeau pour séduire une nouvelle maîtresse ? railla Fusculus.
— Un cadeau d’anniversaire pour Helena. Et il me reste un seul jour pour le retrouver, sinon je vais devoir lui en acheter un autre.
— Tu devrais lui dire la vérité, Falco, suggéra Petro. Je suis sûr qu’elle comprendra. Elle est tellement indulgente en ce qui te concerne.
— C’est pas Helena, le problème. Mais sa foutue famille nous a invités à un banquet, et je suis obligé d’arriver avec un présent spectaculaire pour clore le bec à sa mère.
— Oh ! c’est la mère qu’il cherche à
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