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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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livrent aujourd’hui les jansénistes fanatiques ? Certains s’abandonnent à d’inquiétantes dérives. De plus en plus spectaculaires, les convulsions se poursuivent clandestinement. Se prenant pour des martyrs, les convulsionnaires organisent des liturgies sauvagesau cours desquelles ils demandent à recevoir des coups afin d’attester que leur corps est insensible à la douleur. Ils ont formé de véritables sectes qui se regroupent autour d’un « élu », lequel prêche, bénit et prétend obtenir des miracles. Ainsi PierreVaillant, prêtre du diocèse de Troyes, affirme que le prophète Élie est ressuscité et reparaît sur terre pour convertir les Juifs et la cour de Rome. Cet illuminé avait déjà été enfermé à la Bastille et ses nouvelles élucubrations l’ont à nouveau conduit en prison. On ne sait s’il en sortira. Il n’est pas le seul « prophète » de son espèce. FrançoisCausse, sacristain aux Cordeliers, se fait appeler frère Augustin et se proclame « l’Élu de Dieu ». Il affirme recevoir ses conseils du seul Tout-Puissant, ne parler que par son esprit et de ce fait se déclare au-dessus des lois. Il n’hésite pas à se prétendre l’annonciateur d’Élie. Cet homme exerce un puissant magnétisme sur ses disciples, des âmes pieuses et naïves. Leurs réunions se tiennent assez discrètement dans les habitations des membres de la secte afin d’échapper aux sbires de M.Hérault. Le lieutenant de police lâche en effet beaucoup d’indicateurs de police, les fameuses « mouches », dans ces milieux afin d’éviter tout désordre grave et de mettre la main sur des réseaux entiers.
    Après l’arrestation et les interrogatoires d’un bon nombre de ces exaltés, il ressort que les convulsions ne sont pour eux que les moyens dont se sert le Tout-Puissant pour mettre les élus en état de recevoir et d’annoncer la vérité. Ils se croient porteurs d’un message divin, investis d’une mission de l’au-delà. Ils contribuent ainsi à créer un climat d’angoisse et d’espoir, laissant entrevoir l’imminence d’un bouleversement faisant écho aux inquiétantes déclarations de Mgr Colbert, évêque de Montpellier, lequel osait dire : « Tout nous annonce que l’univers est prêt à enfanter quelque chose d’extraordinaire. Nous sommes à la veille des plus grands événements. Le mystère d’iniquité s’avance horriblement. Bientôt tout sera consommé. »
    L’esprit janséniste demeure dans le peuple, au Parlement et chez certains prélats irréductibles comme Mgr Colbert, l’un des quatre appelants et dont l’instruction pastorale reconnaissait les miracles du diacreParis. Malgré la condamnation de Mgr deTencin et dupape, Mgr Colbert a réaffirmé ses dires, suscitant ainsi le trouble chez les fidèles et chez les appelants. Ces derniers restent sur leurs positions mais refusent de cautionner les aberrations les plusfolles. Ils s’appuient sur le monde judiciaire, aujourd’hui majoritairement janséniste. Le cardinal les considère comme des hérétiques menaçant l’unité du royaume à l’instar des protestants privés d’état civil depuis la révocation de l’édit de Nantes parLouis XIV. Malgré tous les efforts du principal ministre et du lieutenant de police, le jansénisme n’est pas mort.
    Fleurys’inquiète de toute assemblée ou association échappant à son contrôle. En 1731, il a supprimé une petite académie influente réunissant quelques personnes distinguées qui échangeaient leurs réflexions sur les principales questions agitant le royaume et les États européens. Ces messieurs traitaient de droit, de politique, d’économie. Parmi eux se distinguaient le marquis deBalleroy, le duc deCoigny, le marquis deMatignon, l’abbé dePomponne, ambassadeur à Venise, le comte dePlélo, ambassadeur à Copenhague, l’abbé deSaint-Pierre de l’Académie française, MM. deSaint-Contest, l’un naguère plénipotentiaire à Bade, l’autre maître des requêtes, l’abbé deBragelonne, le marquis d’Argenson, M. deRamsay, écossais… Leurs assemblées se tenaient place Vendôme, à l’hôtel du présidentHénault, dans l’entresol occupé par l’abbéAlary, d’où son appellation de club de l’Entresol. Elles avaient lieu tous les samedis à cinq heures. Pendant une heure, ces messieurs discutaient des nouvelles publiques recensées dans la Gazette de Hollande par le marquis d’Argenson. Les réflexions les plus

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