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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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même dire qu’il les souhaite. Le 15 septembre, il a rendu au Parlement son droit de remontrances que Louis XIV avait pratiquement supprimé. Ce droit porte bien son nom : il permet aux magistrats de critiquer les édits du monarque avant de les enregistrer et même de refuser leur enregistrement. Cette mesure n’est pas sans danger puisqu’elle donne des censeurs au régime. Elle est cependant très populaire, les magistrats voulant s’affirmer comme les représentants de la nation, ce qu’ils ne sont pas en réalité.
    Depuis que la santé de Louis XIV déclinait, secondé par son ami Saint-Simon, le duc d’Orléans avait préparé en secret le gouvernement qui serait le sien.Saint-Simon l’avait persuadé de reprendre les projets établis naguère dans l’entourage deFénelon pour le duc deBourgogne, connus sous le nom de tables de Chaulnes. Ils préconisaient la suppression des ministères et leur remplacement par des conseils spécialisés où les décisions seraient prises à la pluralité des voix. Cette idée novatrice séduisit le prince. Dès son accession à la régence, il a, on s’en souvient, annoncé la création de sept conseils composés chacun d’une dizaine de personnes, dont les travaux devaient être rapportés au Conseil de régence. Le Régent en a attribué les présidences aux plus grands seigneurs du royaume, mais il a placé ses amis personnels et des conseillers d’État expérimentés à l’intérieur de chacun d’eux. C’est une façon de contenter la haute noblesse et la robe tout en gardant la réalité du pouvoir. Il est trop tôt pour savoir si cette innovation sera heureuse pour le royaume. Est-il possible de gouverner avec une centaine de personnes ?

    Panique financière et crises de conscience
    Pour l’heure, ce sont les Noailles qui se font remarquer, l’un aux finances, l’autre dans les affaires religieuses. Avec l’autorisation du Conseil de régence, le duc deNoailles, président du Conseil des finances, a commencé par procéder à une dévaluation afin d’augmenter la masse monétaire en circulation et donner de l’essor au commerce. Il impose en même temps des économies drastiques en réduisant les dépenses de l’État (abaissement du taux des rentes, suppression des rentes viagères, abolition de bon nombre d’offices, diminution des dépenses militaires…). Ces mesures n’ont pas soulevé de protestations populaires. On s’imagine qu’elles touchent les plus fortunés du royaume alors qu’il y a beaucoup de petits rentiers qui ne joignent pas facilement les deux bouts. Mais tout cela ne suffit pas à rembourser l’énorme dette publique, l’État ayant vécu d’expédients depuis des années. Le duc deSaint-Simon a longuement insisté auprès du Régent pour qu’il déclare la banqueroute, sous prétexte que le nouveau souverain n’est pas responsable des dettes de son prédécesseur. Le prince a refusé de prendre une telle décision qui l’obligerait à réunir des états généraux. Mieux vaut s’emparer de l’argent là où il est, autrement dit chez les financiers qui se sont enrichis au cours de ces dernières années. Faire payer les plus riches est un excellent moyen de frapper favorablement l’opinion.
    On a donc créé une commission d’enquête et une chambre de justice chargées de poursuivre les malversations commises par les traitants dans le maniement des deniers publics… depuis 1689 ! Un vent de panique souffle dans le monde de la finance. Huit mille financiers se voient contraints de rendre des comptes. Les dénonciations sont autorisées et assorties d’une promesse de prime. On a commencé par frapper les manieurs d’argent les plus en vue. Le 9 mars 1716, on est allé chercher le sieur Poisson de Bourvalais dans son hôtel de la place Vendôme pour le conduire à la Bastille ; le 23, on a retiré de chez lui trois charrettes de meubles précieux et trois autres remplies d’argenterie qu’on a envoyée à la fonte de la Monnaie sans tenir compte de la beauté des pièces ; le 27, on a vendu ses chevaux. Le sieur Myot, autre maltôtier poursuivi par la chambre de justice, a été retrouvé cachédans son grenier au milieu des bottes de foin. On l’a mis sous les verrous. Sa maîtresse, veuve d’un conseiller au Parlement, a bientôt été le rejoindre, mais dans une autre cellule. Cette dame était dénoncée par son fils qui l’accusait d’avoir chez elle des coffres remplis d’or et

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