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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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voyage pour sa santé fragile et les imprudences dont il est coutumier. À Cirey, elle regarde la terre couverte de neige et se demande comment elle pourra supporter l’absence de l’aimé, seuledans ce château isolé. Et puis elle redoute aussi qu’il s’en aille répondre à l’invitation du prince Frédéric dePrusse, très admiratif de son génie et qui lui écrit des lettres on ne peut plus flatteuses.
    Arrivé à Amsterdam, Voltaire est fêté et admiré. On joue ses pièces. Il continue d’écrire au jeuneFrédéric et vante dans ses lettres l’air de liberté qu’on respire en Hollande. Émilie le supplie de revenir. Elle est au comble de l’angoisse alors que tout semble paisible du côté du pouvoir. Elle a si peur qu’il l’abandonne ! Au mois de février 1737, il est enfin là !

    Maupertuis et sa Lapone
    Émilien’a jamais cessé d’entretenir une active correspondance avecMaupertuis, bien que le courrier mette plusieurs semaines avant de parvenir à ses destinataires. Elle est piquée de savoir que la duchesse deRichelieu a reçu une lettre avant elle. « Elle ne désire vos lettres que pour s’en vanter ; moi je vous en demande pour savoir de vos nouvelles », lui écrit-elle aussitôt. Le héros du Grand Nord soigne sa publicité auprès de ses admiratrices auxquelles il donne des nouvelles excitantes que ces dames racontent dans les salons. Elles veulent connaître les moindres détails de l’expédition dont leur ami est le héros toujours vaillant, toujours aimable et ô combien sérieux en ce qui concerne la mission qu’il s’est assignée : mesurer le méridien terrestre le plus près possible du pôle afin de prouver que la terre est aplatie en ce point.
    Partie le 29 avril 1736, l’expédition a dû subir plusieurs jours de tempête en mer du Nord avant d’arriver à Stockholm, trois semaines plus tard. Le roi deSuède, qui voulut rencontrer les savants, ne leur cacha pas l’inquiétude que lui inspiraient leurs pérégrinations à venir. Cependant Maupertuis était si sûr de son succès que pas un instant son courage ne faiblit. Au reste, l’entreprise ressembla parfois à une véritable odyssée. Maupertuis et ses compagnons subirent les rigueurs extrêmes du climat : six mois sans voir la nuit à lutter contre des nuées de moustiques et six autres mois dans le noir par un froid insupportable. Ils dormaient sur des peaux de rennes et mangeaient très mal ; il leur fallut abattre des arbres, franchir des torrents, protéger un matériel sophistiqué, se faire accepter par des populations aux mœurs parfois étranges et surtout rester pendant un an et demi au bout du monde dans la ville (c’est un euphémisme) de Tornea ou dans leur résidence d’été (!) de Pello. « Pendant ces froids qui durent encore ici, quoique nos jours commencent à être de vingt heures, nos Lapons ne daignent pas dresser leurs tentes et couchent à terre dans la cour de la maison d’où je vous écris, sans autre matelas que la neige, écrit-il à Mme de Vertillac le 6 avril 1737. Vous ne le croirez pas encore, Madame, mais il me semble que j’en ferais bien autant : les corps sont bien plus dociles que les esprits. […] Les Lapons ont été aussi surpris de voir nos figures que nous les leurs… Ceux qui couchent dans notre cour, quand ils sont en joie ou qu’ils font quelque rêve agréable, se mettent à chanter, à quelque heure de la nuit que ce soit… tous la même chanson. Ils nous viennent souvent rendre visite ; ils entrent sans se faire annoncer et tout à coup nous voyons sans nous être aperçus, un Lapon ou une Lapone dans notre chambre… Dans la zone glacée, il y a des personnes fort bien faites et fort aimables 4  ».
    En effet, dès l’été 1736, deux jolies Lapones avaient été reçues avec beaucoup de plaisir par les explorateurs, ce que Mme du Chatêlet avait appris par d’autres amies. « On dit que toutes les lettres que vous écrivez à Paris sont pleines des éloges de ces dernières 5  », lui écrit-elle plutôt pincée. En fait, ces deux jeunes filles n’ont rien de commun avec ces Lapons dont la figure est grotesque au dire de l’abbé Lemonnier et qui n’ont que trois ou quatre pieds de haut, de petites jambes, un gros ventre et « un visage qui diffère assez de la forme humaine 6  ». Les amies deMaupertuis sont deux belles Suédoises, Christine et ÉlisabethPlanström, filles d’un notable de Tornea venues voir les étrangers

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