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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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robe blanche brodée d’or dont le corsage était garni de pierreries. À son cou resplendissait un collier de diamants d’où pendait le fameux Sancy en forme de poire et sur ses cheveux étincelait le Régent, qui n’a pas son pareil en Europe.Le dauphin et MadameÉlisabeth ouvrirent le bal. Vers onze heures, les masques commencèrent à paraître. La reine rentra se changer et revint sous un domino tandis que le roi ne parut qu’à deux heures du matin masqué en chauve-souris. Il resta au bal jusqu’à sept heures, jouissant pleinement de son incognito. Il virevoltait de l’un à l’autre, demandant où était le roi. Un garde du corps lui affirma qu’il n’était pas arrivé et lui donna un coup de coude pour le repousser.Louis XV dansa avec une inconnue et resta longtemps auprès de la maréchale de Villars qui n’était pas masquée sans oser lui parler.
    Depuis ce bal, on parlait du mariage de MadameÉlisabeth avec l’infant donPhilippe. Ce n’était pas une fausse rumeur. Le 22 février, le roi annonça la nouvelle qui ne réjouit personne. La princesse pleurait à l’idée de quitter sa famille, Versailles, et tout ce qui l’attache ici. « Je suis bien fâchée du mariage de ma sœur », a déclaré MadameAdélaïde. La future mariée n’a pas encore douze ans et don Philippe, dix-neuf. Cadet du couple royal, il passe pour un garçon mélancolique dépourvu de charme et n’a aucune chance de régner, malgré les vœux de sa mère, ÉlisabethFarnese, la seconde épouse dePhilippe V, qui rêve de lui tailler un petit royaume en Italie. Cette union doit sceller la réconciliation définitive entre les deux royaumes et effacer l’affront du renvoi de l’infante-reine, jadis promise àLouis XV 5 . On murmure que ledauphin épouserait l’infanteMarie-Thérèse-Raphaëlle.
    Le samedi saint, à la surprise générale, S.M. a refusé de toucher les écrouelles comme c’était la coutume. Il a répondu un « non » très sec à M. le prévôt qui lui demandait à quelle heure il souhaitait que la cérémonie eût lieu. Pis encore, il n’a pas fait ses pâques. Ces résolutions ont fait grand bruit à Versailles et à Paris où les gens sages estiment qu’il est dangereux pour un roi de donner le mauvais exemple à ses peuples. En refusant de communier, le souverain prouve qu’il est en état de péché et rend ainsi officiellesa liaison avec Mme deMailly. Cependant, il s’intéresse de plus en plus à Mlle deNesle tandis que la Cour se préoccupe des préparatifs du mariage de la princesse Élisabeth prévu au mois d’août prochain (1739). On dépense un argent fou pour le trousseau de la future infante : le roi a obtenu que le cardinal desserre les cordons de la bourse.

    Disette et fracture sociale
    Le mariage princier ne réjouit pas les Français déjà exaspérés par le faste des fêtes célébrant la paix. Le 3 juin 1739, le président de la Cour des aides a prononcé une harangue assez brutale devant le roi à Versailles : « Sire, le bruit des trompettes annonce la paix à votre peuple, à ce peuple qui gémit dans la misère sans pain et sans argent, obligé de disputer la nourriture aux bêtes qui sont dans les champs pendant que le luxe immodéré des partisans et gens d’affaires semble encore insulter à la calamité publique. Un seul regard favorable de V.M. dissipera tous ces malheurs et rendra la paix, l’objet de la joie universelle. »Louis XV a paru surpris par l’audace de l’orateur considéré comme un homme sage dont les propos sont généralement mesurés. Il est vrai que la misère a augmenté depuis un an. Le roi ne peut l’ignorer. On dit que les pauvres sont réduits à manger de l’herbe en Touraine, dans le Maine et l’Anjou, le Haut-Poitou, le Périgord, le Berry et l’Orléanais. On veut persuader lecardinal que ce sont là des contes colportés par ses ennemis pour le discréditer. Pourtant, des soulèvements ont bien éclaté à Ruffec, à Chinon et à Caen au mois de mai ; des porteuses de pain ont été assassinées. Seule la faim a causé ces crimes, car le pain reste la nourriture de base des Français. Aujourd’hui on en fait avec n’importe quoi. Leduc d’Orléans a porté au Conseil un morceau de pain de fougère qu’il a mis sur la table du roi : « Sire, dit-il, voilà de quel pain se nourrissent aujourd’hui vos sujets ! » Le monarque est devenu blême mais n’a soufflé mot. Peu de temps après, au lever du

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