Le temps des illusions
avec éloquence la cause de Marie-Josèphe deSaxe auprès du roi.
À peine âgée de quinze ans, sans être une beauté, cette princesse jouit d’une excellente santé et les femmes de la famille royale de Saxe passent pour être particulièrement fécondes. Mais ni lareine ni ledauphin ne sont prêts à l’accepter pour dauphine. Marie Leszczinska conserve une rancune assez légitime contre le roi deSaxe, qui a détrôné son propre père. Quant au malheureux veuf, il pleure toujours l’infante rousse aux yeux bleus que la Cour a déjà oubliée. La brillante victoire de Raucoux a levé les derniers obstacles à ce mariage. Le 21 octobre, sans tenir compte du désarroi de son fils, ni des ressentiments de son épouse,Louis XV décida que le dauphin épouserait la fille d’Auguste III. « J’ai reçu une lettre du roi Très Chrétien, écrivit Maurice de Saxe à son frère. Il me mande toutes les contradictions qu’il a essuyées etqui lui ont été suggérées par la reine sa femme, qu’il a fallu vaincre ; en quoi Mme dePompadour nous a beaucoup aidés. Le maître et la favorite étaient pour nous. Enfin je me suis retourné de tant de manières que le roi m’écrit qu’il a pris son parti et qu’après avoir vaincu ses ennemis, il faut bien que tout me cède (c’est une galanterie de sa part) 6 . » Le comteLoss, ambassadeur de Saxe, avertit la future dauphine qu’elle doit compter avec la favorite. « Mme de Pompadour joue un grand rôle, lui dit-il, […] l’amitié dont le roi l’honore, l’intérêt qu’elle a témoigné pour l’alliance du dauphin avec une princesse de Saxe, les insinuations qu’elle a faites au roi pour fixer son choix, tout cela obligera la dauphine à des attentions et à de bons procédés. La marquise a un excellent caractère ; elle s’attachera à plaire à la dauphine, qui fera sa cour au roi, en témoignant de l’amitié à une dame que la reine comble de politesses 7 . »
La vengeance d’un prince marié malgré lui
La Cour et la Ville se préparent à célébrer le second mariage dudauphin avec le même faste que le premier voilà tout juste deux ans. On attend Marie-Josèphe deSaxe qui avance à petites étapes depuis Dresde, escortée par le duc deRichelieu désigné comme ambassadeur extraordinaire auprès d’elle.
Le 6 février 1747, le roi, le dauphin et leur suite, dont fait partie Mme dePompadour, sont allés accueillir la princesse à Choisy. Le dauphin, qui voit venir ses noces comme une épreuve insurmontable, s’est montré glacial avec sa nouvelle épouse, lui accordant tout juste le baiser sur la joue exigé par l’étiquette. Et le souverain dut se mettre en frais auprès de la jeune et fraîche dauphine pour atténuer la fâcheuse impression qu’elle pouvait ressentir. Sans être belle, Marie-Josèphe n’est pas dépourvue d’une certaine élégance. Ce « joli laideron » pourrait faire tourner biendes têtes, prétend l’indulgent duc deCroÿ. Son visage avenant et sa simplicité laissent augurer un aimable caractère et une bonne santé.
À deux ans de distance, les fêtes se répétèrent pratiquement sans changement. Le 9 février, la cérémonie religieuse fut suivie par les mêmes divertissements. Au bal paré, Mme de Pompadour se fit remarquer par la grâce qu’elle mit en dansant un menuet, juste après les princesses. Le soir, toute la Cour assista à la cérémonie du coucher des mariés. En chemise, coiffés d’un bonnet de nuit, les nouveaux époux se mirent dans le lit béni par le grand aumônier de la Cour. Marie-Josèphe impressionna l’assemblée par son aimable dignité lorsque son époux enfouit son visage sous les draps pour mieux cacher les sanglots qui l’étouffaient. Les assistants, pourtant blasés et indifférents, sortirent attristés par ce spectacle qui avait l’air d’un sacrifice.
Les jours suivants, les divertissements se succédèrent selon l’immuable rituel adopté en de telles circonstances. À Versailles, Mme de Pompadour attira tous les regards. Le soir du bal costumé, elle suivait des yeux le roi, superbe et méconnaissable sous son masque. Éperdument amoureux, il s’est s’installé à ses pieds. Mais cette année, les amants n’ont pas besoin de se retrouver au bal de l’Hôtel de Ville pour passer une nuit d’amour. Le souverain, après son coucher public, a rejoint samaîtresse dans son appartement.
Cette année,Louis XV et les siens ne sont pas allés à
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