Le temps des illusions
dePhilippe V qu’il faut absolument cacher à sa fille, ladauphine. Aussi ne prend-on pas le deuil de ce souverain né prince de France.
Enfin le 18 juillet, après plusieurs heures d’un travail épuisant, Marie-Thérèse-Raphaëlle a mis au monde… une fille. Consternation générale. Le jeune ménage va-t-il être comme celui du roi etde la reine ? Seul ledauphin paraît heureux. Les cloches sonnent à toute volée à Versailles et dans la capitale pour fêter l’heureux événement. On prépare des réjouissances, mais brusquement Mme la dauphine passe de vie à trépas. Sa disparition bouleverse la famille royale, ledauphin désespéré pleure sans arrêt et le roi est repris par ses vieux démons morbides.
Quelques heures après le décès de la jeune femme,Louis XV décida que la Cour s’installerait à Choisy pendant qu’on procéderait aux apprêts des cérémonies funèbres à Versailles. Le dauphin eut peine à quitter le château. Pendant le voyage il fut pris d’un saignement de nez qui inquiéta le roi. Lorsqu’on arriva à Choisy, à huit heures du soir, il y eut d’abord un grand silence suivi de beaucoup de larmes et d’une triste conversation, où l’on entra dans les détails les plus affligeants. Mme dePompadour dut trouver les mots et les gestes susceptibles d’apaiser les humeurs sombres de son amant.
Une accablante tristesse pèse sur Choisy. Tout le monde s’ennuie. Le souverain, qui va mieux, se lève à onze heures, mais l’on ne peut entrer dans sa chambre qu’à midi. Le dauphin assiste à son lever. Lareine et les princesses ne descendent chez lui que lorsqu’il est habillé. La famille royale se rend alors à la messe. Après l’office divin, Marie remonte chez elle et dîne avec ses filles, tandis queLouis XV travaille avec ses ministres et s’enferme chez sa maîtresse. Il ne réapparaît qu’à sept heures pour la promenade. Il fait parfois quelques pas avec son épouse et ses filles, mais le plus souvent Marie va de son côté. À neuf heures, la famille royale soupe dans l’antichambre de la reine. Une heure et demie plus tard, on sert un souper pour le reste de la Cour, auquel paraît toujours Mme de Pompadour. Le soir venu, le roi s’entretient longuement tête à tête avec son fils, alors que la reine et les princesses montent se coucher. Vers minuit, le monarque rejoint le reste de la compagnie dans les salons. Assis à côté de sa maîtresse, il lui parle tendrement, ce qui ne l’empêche pas de participer à la conversation générale. Vers une heure, chacun se retire chez soi.
Au retour à Versailles, l’atmosphère fut pire qu’à Choisy. La dépouille de ladauphine, saluée par les grands corps de l’État et aspergée d’eau bénite par les princes et les princesses, venait d’être conduite en grande pompe à Saint-Denis. Comme le veut l’usage,on l’avait inhumée hors la présence de la famille royale. Il a fallu se résoudre à prendre le deuil, celui du roi d’Espagne et celui de ladauphine, ce qui ne simplifie pas, loin de là, les fastidieuses questions d’étiquette. Seul l’appartement du dauphin est tendu de noir. Le roi est astreint à porter un habit violet pendant six semaines ; la reine et les princesses, des robes et des mantes noires. Et pendant au moins trois semaines, il n’est plus question de spectacles ou de concerts.
Ces manifestations funèbres dépriment le roi, qui caresse le projet de repartir pour l’armée. Cette perspective alarme lamarquise qui correspond avec les principaux chefs militaires, le prince deSoubise, le maréchal deLuxembourg et surtout le maréchal deSaxe. Sachant que ce dernier ne souhaite pas la présence du souverain sur le front pour des raisons de sécurité, elle s’ingénie à le divertir par tous les moyens. Ils ont fait ensemble de nouvelles escapades à Choisy et elle l’a bientôt convaincu de venir dans son château de Crécy. Ce séjour fut suffisant pour qu’il renonçât à toute idée de départ pour l’armée. Aucune action d’envergure n’était prévisible. « Vous savez que je vous aime beaucoup, écrivit la marquise au maréchal. Je crois ce que vous me dites comme l’Évangile. Dans cette croyance, j’espère qu’il n’y aura pas de bataille et que notre adorable maître ne perdra pas une occasion d’augmenter sa gloire. Il me semble qu’il fait assez ce que vous voulez. Je mets toute ma confiance en vous, mon cher maréchal. En faisant la guerre
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