Le temps des illusions
le nouvel académicien à faire l’apologiede la langue française embellie par les poètes tragiques du siècle précédent,Corneille etRacine, ce qui le contraint à citer ses contemporains,Montesquieu,Fontenelle, l’abbé d’Olivet, le présidentHénault et Crébillon, dramaturge mais aussi censeur royal, qu’il couvre d’éloges de façon éhontée. Passant ensuite des écrivains aux grands hommes, il se lance dans une énumération de héros qu’il exalte et finit par célébrer la gloire et les mérites deLouis XIV et deLouis XV. Rappelant les glorieuses campagnes du monarque vivant, il cite son poème de Fontenoy et couvre de louanges Richelieu son protecteur.
Les réactions sont mitigées. D’une façon générale, on lui reproche d’avoir été trop courtisan, partant injuste. Dès le lendemain de sa réception à l’Académie française, il s’est remis au travail. Ses recherches d’historiographe lui laissent des loisirs. Tantôt installé dans le grenier au-dessus de l’appartement de Mme du Chatêlet à Saint-Cloud, tantôt dans la maison de M.du Chatêlet rue Traversière à Paris, il achève la rédaction d’une nouvelle tragédie, Sémiramis . De son côté, Émilie a renoué avec les plaisirs de la vie mondaine tout en poursuivant sa traduction deNewton. Lorsqu’elle quitte ses études, elle se livre aux folies des femmes les plus frivoles avec la duchesse deBoufflers, les marquises deMailly, deGouvernet,du Deffand et Mme de LaPopelinière. Elle est prête à nouer une nouvelle liaison. Encore faudrait-il trouver un amant à sa convenance.
Un été funèbre
Louis XV ne se préoccupe guère de son historiographe, pour lequel il éprouve des sentiments très mitigés. Certes, le poète sait chanter la gloire de ses armes, mais il risque toujours d’outrepasser ses droits. Sur quels chemins dangereux son talent peut-il le conduire ? Le roi le croit capable de tout et sans Mme dePompadour, il ne l’aurait jamais élevé à d’aussi hautes fonctions. Exalter la campagne qui se prépare, c’est là tout ce que demande le roi.
Après une escapade à Choisy avec sa maîtresse,Louis XV est parti pour l’armée dans la nuit du 1 er au 2 mai. Avant son départ, il a offert à sa favorite le château de Crécy près de Dreux, une demeure construite une vingtaine d’années plus tôt et danslaquelle la marquise a déjà entrepris des travaux d’embellissement. Elle caresse l’espoir de revoir son amant au mois de juillet pour l’accouchement de Mme ladauphine que la famille royale attend avec impatience.
Arrivé à Bruxelles le 5 mai, le roi visite aussitôt la place et s’entretient avec Maurice deSaxe. Occuper les Pays-Bas autrichiens jusqu’à Liège et la Meuse à l’est et jusqu’à la frontière hollandaise au nord, tel est le but de cette nouvelle campagne. Comme les deux années précédentes, la présence du roi galvanise les troupes. Aujourd’hui, Maurice deSaxe commande une armée de 180 000 hommes. La supériorité numérique des Français fait céder les alliés sans même livrer bataille. Louvain est occupée le 5 mai, Malines le 12 et bientôt Charleroi ainsi que Mons. L’art militaire consiste parfois à contraindre l’ennemi par des manœuvres complexes à abandonner ses positions de peur d’être acculé à une défaite. Ces opérations lentes, parfois meurtrières, laissent du temps libre aux soldats et aux officiers, qui en profitent comme ils peuvent. Un essaim de filles d’opéra et d’actrices qui dispensent leurs charmes aux officiers ravis de se distraire s’est installé à Bruxelles. Quant aux soldats, ils batifolent avec des ribaudes dans la nature.
La campagne de Flandre se déroule comme on pouvait le souhaiter, mais les Gallispans subissent des revers en Italie. En Angleterre, le prétendantStuart a été battu dans la lande de Culloden le 14 avril. Depuis lors le duc deCumberland se livre à une répression sauvage contre ses partisans. La tête du prince est mise à prix.
À la fin du mois de juin, Louis XV abandonne Maurice de Saxe à ses travaux guerriers pour rentrer comme prévu à Versailles. Les jours passent. La princesse ne ressent toujours pas les douleurs. Le roi s’impatiente ; il parle de reprendre la route des Flandres, mais on le convainc de rester : il serait indécent de partir avant les couches de sa belle-fille. Alors que la Cour somnole dans la chaleur de l’été survient la nouvelle de la mort
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