Le temps des illusions
comme vous la faites, je me flatte d’une bonne et longue paix 4 . » Cette dame commence à parler avec une autorité qu’aucune maîtresse royale ne semble avoir exercée avant elle.
« Sur les ailes de la victoire »
En Flandre, la guerre se poursuit sous le commandement du maréchal deSaxe. Les Français ont pris Huy, Namur et le 11 octobre, la victoire de Raucoux suivie de la prise de Liège achève brillamment la campagne. Au reste, cette bataille devraitfaire date dans l’histoire militaire car pour la première fois l’infanterie a joué le rôle essentiel alors que la cavalerie fut réduite à charger l’ennemi sabre au clair après qu’il eut été mis en fuite par le feu de l’artillerie. La France déplore 3 000 morts et l’ennemi 7 000, sans compter les blessés.
Les Pays-Bas sont entièrement occupés. Le maréchal a regagné Bruxelles pour organiser ses quartiers d’hiver. Le 14 novembre, à Versailles, il a reçu un accueil très chaleureux de S.M., qui l’a élevé à la dignité de maréchal des armées du roi comme jadis Turenne et lui a donné six canons pris à l’ennemi pour les mettre devant le château de Chambord. Il est fêté partout où il passe dans la capitale. À l’Opéra, lorsque le rideau s’est levé, au lieu de chanter le prologue,Mlle Chevalier, la première actrice de ce théâtre, a entonné une cantate à la louange du héros revenu « sur les ailes de la victoire » tandis que retentissaient trompettes et timbales. Un tonnerre d’applaudissements a salué le vainqueur.
Bien qu’on le dise avide de gloire et d’honneurs, Maurice de Saxe ne se laisse pas griser par son triomphe. Avec un bon sens qui l’honore, il a refusé de siéger à l’Académie française. Sa connaissance de notre grammaire laisse en effet plus qu’à désirer. « On m’a proposé, dit-il au maréchal deNoailles, d’être de l’Académie française. J’ai répondu que je ne savais point seulement l’orthographe et que cela m’allait comme une bague à un chat. » Il écrit phonétiquement : « Se la malet comme une bage a un chat » pouvait-on lire. Le maréchal de Noailles l’a encouragé dans son refus. Entrer dans « cette compagnie où l’on s’occupe uniquement de mots 5 » paraîtrait incongru au comte deSaxe. Il a sans doute raison, mais on lui aurait pardonné ses fantaisies linguistiques. Et peut-être certaines seraient-elles entrées dans le fameux dictionnaire…
On ignore que Maurice de Saxe joue secrètement un rôle diplomatique non pour négocier la paix, mais pour remarier ledauphin avec une princesse de Saxe. Dès le lendemain de la mort de l’infante,Louis XV examinait déjà toutes les candidatures éventuelles à sa succession. Les bons partis ne sont pas légion. Seule une princesse catholique d’une maison qui ne soit pas enguerre avec la France peut prétendre à ce grand destin.Ferdinand VI, le nouveau roi d’Espagne, proposa d’envoyer sa jeune sœurAntonia pour remplacer la défunte, mais le souverain éluda sa proposition, prétextant qu’en France on ne peut épouser la sœur d’une femme dont on a eu des enfants. En réalité, Ferdinand VI, le nouveau monarque espagnol, n’inspire pas confiance au roi de France. Restaient les princesses de Sardaigne et celles de Saxe. Fils d’Adélaïde deSavoie, Louis XV aurait souhaité une alliance piémontaise et lesPâris envoyèrent des émissaires à Turin pour prendre des renseignements sur les trois jeunes filles susceptibles d’être mariées, mais l’attitude louvoyante du roi de Piémont, qui a décidé de faire cause commune avec l’Autriche malgré un accord signé avec la France, mit rapidement fin aux espoirs du souverain. Restaient les princesses saxonnes.Louis XV, soucieux de voir ses intérêts bien représentés en Allemagne, n’était pas hostile à un mariage saxon. Le marquis d’Argenson, ministre des Affaires étrangères, qui avait réussi à détacher la Saxe de l’alliance autrichienne, avertitAuguste III qu’on pouvait songer à un mariage de l’une de ses filles avec le jeune prince. Maurice de Saxe prit l’affaire en main et s’imposa comme intermédiaire entre son demi-frère, Auguste III, etLouis XV. Mme dePompadour, qui a souffert de l’hostilité deMarie-Thérèse-Raphaëlle et rêve d’une dauphine aimable qui serait son alliée, ne voulut pas rester étrangère à ce choix. Elle soutint les projets de Maurice deSaxe et plaida
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