Le temps des illusions
Conseil,Louis XV cassa cette procédure ainsi que toutes celles qui l’avaient précédée sur ce sujet. Le Parlement répondit le 15 avril par de sévères remontrances et déclara qu’ilétait interdit aux prêtres de refuser les sacrements. Le 18 avril, un nouvel arrêt du Conseil a cassé la décision et le Parlement a répondu par « un arrêt de règlement » défendant aux prêtres de refuser les sacrements sous prétexte de non-acceptation de la bulle.
Hostile aux billets de confession, exaspéré par la lutte incessante que se livrent le clergé et le Parlement,Louis XV a réservé à son Conseil la connaissance de tout ce qui concerne la bulle. C’est pourquoi le Conseil de S.M. passe son temps à casser les arrêts du Parlement et à supprimer les mandements épiscopaux. Mais furieux de se voir dépossédé de ses droits, le Parlement a présenté de grandes remontrances pour dénoncer la mainmise de l’Église sur la monarchie. La querelle religieuse se transforme en conflit politique, ce qui mécontente le roi :
« Ces grandes robes (les parlementaires) et le clergé sont toujours aux couteaux tirés, a-t-il déclaré ; ils me désolent par leurs querelles. Mais je déteste bien plus les grandes robes. Mon clergé, au fond, m’est attaché et fidèle ; les autres voudraient me mettre en tutelle.Robert de Saint-Vincent 2 est un boutefeu que je voudrais pouvoir exiler ; mais ce sera un train terrible. D’un autre côté l’archevêque est une tête de fer qui cherche querelle. Heureusement qu’il y en a quelques-uns dans le parlement sur qui je peux compter, et qui font semblant d’être bien méchants, mais qui savent se radoucir à propos. Il m’en coûte pour cela quelques abbayes, quelques pensions secrètes. » Tout en parlant, le roi se promenait en proie à une vive agitation. « Le Régent a eu bien tort de leur rendre le droit de faire des remontrances, reprit-il ; ils finiront par perdre l’État. – Ah ! Sire, ditM. de Gontaut qui venait d’entrer, il est bien fort pour que de petits robins puissent, l’ébranler. – Vous ne savez pas ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, reprit le roi, c’est une assemblée de républicains. En voilà assez : les choses, comme elles sont, dureront autant que moi. »Louis XV a condamné les magistrats à l’exil. « Faites comme vous voudrez, mais je veux être obéi », a-t-il déclaré à ses ministres à la fin d’un Conseil. Il soupait à Bellevue chez safavorite lorsqu’on lui apprit que ces messieurs avaient été conduits manu militari dans diversesvilles du royaume. Se penchant vers la marquise, il lui murmura la nouvelle qu’elle applaudit aussitôt. Ce soir-là, le souverain fut d’une humeur charmante, soupa gaiement, allant jusqu’à siffler et chanter, signe chez lui d’une particulière allégresse. Il a fait acte d’autorité. Mais le peuple a crié « Vive le Parlement ! ». Ce n’est pas la première fois que le Parlement est exilé. Tout cela sent la Fronde…
Bataille autour de l’ Encyclopédie
Pendant qu’on se disputait sur les sacrements et les conditions du salut, que chaque parti mobilisait ses docteurs, le manifeste des Lumières conçu parDiderot etd’Alembert s’élaborait dans la fièvre créatrice. L’ Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers a été inspiré par des libraires qui voulaient faire traduire et publier l’ Universal Dictionnary of Arts and Sciences de l’anglais Chambers. Lechancelier d’Aguesseau avait encouragé l’entreprise dès 1745. Après bien des tractations, les libraires ont signé un contrat avec Diderot et d’Alembert en 1747 non pour traduire l’ouvrage deChambers, mais pour réaliser une œuvre originale faisant le point sur toutes les connaissances en ce milieu de siècle. Les deux amis recrutèrent des collaborateurs choisis plus pour leur savoir que pour leur notoriété à l’exception deMontesquieu et deVoltaire. Les rejoignirentd’Holbach,Grimm,Jean-Jacques Rousseau ;Daubenton pour l’histoire naturelle,Blondel pour l’architecture,La Condamine pour les mathématiques…Diderot etd’Alembert se sont réservé beaucoup d’articles, l’un pour la philosophie, l’histoire, la religion, la littérature et l’autre pour les sciences. En 1749, la détention de Diderot à la Bastille après sa Lettre sur les aveugles fit prendre quelque retard à ce gigantesque travail, mais en 1750 la
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