Le temps des illusions
étaient devenus ridicules. On y palabrait sans fin et on s’empêtrait dans les questions de préséances. Il faut reconnaître que la plupart des gentilshommes qui les composaient n’étaient pas capables d’administrer le royaume. La noblesse risque bien d’être réduite à servir la monarchie dans la profession des armes et à une existence deparade. L’abbéDubois devient secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Il gouvernera sans doute avec leRégent dont il connaît mieux que personne les qualités et les défauts. Ce vieux renard de la politique devient l’homme fort du régime.
L’échec de la conspiration de Cellamare
À Sceaux, ce fut le drame. Saisie de mouvements convulsifs en apprenant les nouvelles du lit de justice, Louise-Bénédicte jeta les hauts cris, s’emporta en menaces contre leRégent avant de partir comme une folle jusqu’aux Tuileries. Entrée en trombe dans son appartement, elle a cassé les meubles, envoyé porcelaines et bibelots dans les miroirs… En criant qu’elle se vengerait.
Après quelques jours passés dans l’abattement le plus total, elle se ressaisit et harcelaCellamare qui croyait de moins en moins à la réalité de la conspiration. Cependant, il berça d’illusions la princesse. Les « conjurés » se remirent à écrire manifestes, lettres et autres sornettes. Il y avait tant de paperasses qu’ils les firent retranscrire par un copiste, un certainBuvat, lequel se rendit compte de l’importance des documents qu’il tenait entre ses mains. Ce brave homme ne souffla mot des travaux qu’il exécutait mais il se trouva bientôt dénoncé et convoqué par le secrétaire deDubois. Celui-ci le pria de poursuivre son travail, et de lui en rendre compte régulièrement. Au bout de quelques semaines, parfaitement renseigné sur le complot, Dubois décida d’agir. Il fit arrêter à Poitiers deux jeunes Espagnols porteurs du courrier deCellamare. On trouva dans ce paquet les dépêches diplomatiques, mais aussi les papiers de la conspiration : deux projets de manifeste soigneusement annotés ; un mémoire du comte deLaval sur les moyens nécessaires pour soulever les provinces à l’approche de l’armée espagnole ; la liste des officiers français sollicitant un grade en Espagne ; et enfin une lettre de Cellamare àPhilippe V où il disait : « Gardez-vous bien, Sire, de renoncer à la couronne de France. Si vous le faites, le jeune roi ne sera pas en vie dans trois mois. » C’était accuser leRégent de tentative d’assassinat contreLouis XV !
Ayant appris que son courrier avait été saisi, l’ambassadeur se rendit aussitôt au Palais-Royal où le Régent ne put le recevoirsous prétexte que sa femme était malade. Dubois l’accueillit et lui proposa de dîner chez M. LeBlanc, secrétaire d’État à la Guerre. Lorsqu’ils arrivèrent chez ce ministre, le suisse répondit qu’il ne savait pas si son maître rentrerait dîner. Dubois parut contrarié et s’invita chez le prince de Cellamare. Ils se rendirent ensemble jusqu’à son hôtel, rue des Petits-Champs. Lorsqu’ils s’installèrent, le carrosse de Le Blanc entra dans la cour et un détachement de mousquetaires fit irruption dans les appartements. Ils découvrirentBuvat en train de copier un pamphlet. Les militaires saisirent tous les papiers, qu’ils enfermèrent dans quatre grands coffres.
Cellamare, désemparé, protesta vainement contre cette insupportable intrusion, mais Dubois ne s’embarrassa pas de politesses superflues :
– On a trouvé dans vos papiers le dessein de bouleverser tout l’ordre du gouvernement et du royaume. Aussi le roi est-il résolu à prendre les mesures nécessaires pour assurer la paix publique, à mettre sous bonne garde vos papiers et à vous renvoyer à la frontière.
– Vous n’avez trouvé dans ces papiers que des doléances de vos Français et les critiques d’un gouvernement détesté qu’ils supplient mon maître de supprimer. Par ordre du souverain, j’ai écouté leurs doléances et transmis à la cour d’Espagne leurs projets destinés à préserver la vie du roi, à protéger son royaume, lui épargner le mal que lui font vos traités et vos ligues.
À ces mots, LeBlanc montra au prince deCellamare la lettre saisie à Poitiers et lui demanda de la reconnaître, ce qu’il fit.Dubois et Le Blanc partirent peu après, laissant l’ambassadeur sous la garde de plusieurs officiers.
À Sceaux, la duchesse duMaine ne
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