Le temps des illusions
rêver… Laprincesse voulait même se retirer à l’abbaye de Montmartre. Elle n’en fit rien. On dit que, sur ces entrefaites, Mme deParabère a quitté Paris. Est-ce leRégent qui lui a donné son congé ou est-ce sa maîtresse qui l’a quitté ? On ne sait. Il paraît qu’elle a été très malade. Elle s’est remise, et file depuis lors le parfait amour avec le chevalier deBeringhem !
Privé de favorite, le duc d’Orléans a jeté son dévolu sur Mme d’Averne, l’épouse d’un officier aux gardes, lequel en éprouve une joie sans mélange. Il va partout conter la bonne fortune de sa femme dont il se réjouit. Le Régent a couvert d’or et de pierreries sa nouvelle conquête et n’a pas oublié le cocu. Il s’affiche avec sa jolie maîtresse, qui a dû quitter son amant, M. d’Alincourt. Elle avait pourtant juré ses grands dieux qu’ellene tomberait jamais dans les bras de Philippe d’Orléans, mais elle n’a pas su résister à ses largesses. Au mois d’août, le maréchal d’Estrées les a invités dans sa petite maison de Bagatelle à l’orée du bois de Boulogne. Ils arrivèrent dans une voiture découverte et sans garde. Avant le souper, ils se promenèrent sur l’eau tandis que jouait un orchestre. Tard dans la nuit, ils se retirèrent à Saint-Cloud, dans une demeure louée pour Mme d’Averne, très proche du château princier. Peu de temps après, le Régent donna une fête chez sa maîtresse ; il invita douze homme et douze femmes. Pendant le magnifique souper, on remarqua surtout Mme d’Averne ainsi qu’une jeune personne de beaucoup d’esprit, Mme du Deffand. Elle a couché, elle aussi, avec le prince mais l’aventure n’a pas duré ; ils sont restés bons amis. Après le souper, on flâna dans les jardins illuminés par des lampions accrochés aux arbres et déposés dans des terrines. À minuit, on tira un feu d’artifice sur l’eau et l’on dansa jusqu’à cinq heures du matin. Cette nuit-là, la nouvelle élue offrit un ceinturon à son amant auquel elle récita des vers composés parArouet. Ce dernier, après avoir passé près d’un an à la Bastille, a renoncé à exercer son talent satirique à l’égard du prince. Ami deBrancas et deRichelieu, il s’est mué en poète courtisan et se fait appeler M. deVoltaire. Il faut cependant reconnaître qu’il fait preuve d’un esprit très supérieur à ceux qui s’adonnent à ce genre littéraire. Mme d’Averne joua fort bien son rôle d’amoureuse auprès du maître du royaume, cependant elle avait invité leduc de Richelieu qui ne laisse aucune femme insensible. Elle lui donne des rendez-vous secrets qu’il accepte, ce qui ne l’empêche pas de faire la cour à Mme deMailly.
Cette fête brillante célébrant un double adultère dans ce moment de débâcle financière a choqué les Parisiens. « Voilà une action des Indes qui part », s’écriaient les spectateurs à chaque fois qu’une fusée était lancée. Le lendemain, les paysans de Saint-Cloud portèrent un mémoire au prince récapitulant les dégâts causés par l’affluence des curieux qui s’étaient installés aux abords de la colline de Saint-Cloud.
Pendant cet été très ensoleillé, leRégent profite des plaisirs de la capitale. On le rencontre souvent au jardin des Tuileries, la promenade à la mode. C’est là que parade le régiment des jeunes seigneurs de la Cour qui monte et descend la garde, le soir, sur la terrasse du palais. Tout ce que Paris compte d’élégantes et deséduisants gentilshommes s’y retrouve. Les petites maîtresses bien mises, elles aussi, ne manqueraient pour rien au monde de se pavaner sous les ombrages. Dames de petite vertu et grandes dames (dont la vertu n’est pas toujours à la hauteur de leur naissance) ont coupé leurs cheveux qu’elles frisent sur la nuque en un tignon ( sic ) . Elles portent de longues robes « battantes » et point troussées qu’elles appellent un sac et se mettent « le cul en panier ». Il s’agit d’une sorte de vertugadin placé sous leurs jupes pour les rendre plus arrondies et moins plates. Ces robes sont ornées de nœuds et de pierreries (ou de verroterie). Depuis que les arrêts qui les prohibaient ont été levés, les diamants sont sortis de leurs écrins. Parées comme des châsses, les femmes rivalisent de fantaisie et elles font porter aux hommes des habits rehaussés de nœuds de soie brodés.
À la tombée de la nuit, le duc d’Orléans se
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