Le temps des illusions
mourir, et il plaide pour la paix en Europe, alors que bien des matamores rêvent d’une guerre de revanche depuis la paix d’Utrecht de 1713. En effet, en vertu de ce traité,Philippe V, petit-fils de Louis XIV, renonçait à ses droits au trône de France pour conserver celui d’Espagne et la France reconnaissait la dynastie de Hanovre en Angleterre, promettant d’éloigner du royaume le prétendant Stuart, le catholiqueJacques III. Cependant, Philippe V conteste sa renonciation au trône de France etGeorge I er d’Angleterre redoute que la France ne soutienne les entreprises de Jacques Stuart qui a l’intention de reconquérir le pouvoir et de réinstaller la dynastie déchue ainsi que le catholicisme. Autour du Régent,Saint-Simon,Torcy, le maréchal d’Huxelles, qui préside le Conseil des affaires étrangères, le pressent d’apporter son aide au prétendant Jacques Stuart tandis queDubois plaide pour une alliance avec l’Angleterre. Projet d’autant plus difficile à réaliser que la France et l’Angleterre se considèrent comme ennemies héréditaires. On se souvient cependant que le duc d’Orléans avait reçu le soutien de George I er au moment de la mort de Louis XIV. Depuis lors, Dubois s’est ingénié à maintenir des liens personnels avec le Premier ministre, Lord Stanhope.
Au milieu des difficultés qui l’assaillent, Philippe d’Orléans a longuement hésité avant de suivre les conseils de Dubois. Il a fermé les yeux sur le départ du Stuart, qui s’est enfui de Lorraine 7 où il s’était réfugié pour s’embarquer de Calais vers l’Écosse. Ses partisans jacobites qui l’attendaient ont été défaits avant même son arrivée. De toute évidence, il ne représente plus un danger sérieux pour la couronne de George I er , mais le Régent, qui ne s’est pas franchement opposé à cette entreprise, n’inspire pas confiance au cabinet britannique. Les Anglais restent persuadés que le duc d’Orléans poursuit la politique de Louis XIV favorable aux Stuarts. Finalement, le prince s’est rendu aux vues de Dubois. Bien décidé cette fois à conclure l’alliance avec l’Angleterre, il a chargé l’abbé d’une mission secrète : il se rendra incognito àLa Haye pour négocier le rapprochement avec le roi George etStanhope qui seront bientôt en Hollande pour se rendre au Hanovre.
Sans tarder, habillé en cavalier, sous un nom d’emprunt, se faisant passer pour un amateur d’art afin de déjouer les espions, Dubois prend la route de la Hollande, s’installe dans une auberge de La Haye, achète livres et tableaux tout en guettant l’arrivée de S.M. britannique. Le 17 juillet 1716, le roiGeorge débarque avec sa suite. AussitôtDubois donne signe de vie à Stanhope, qui le rejoint dans son auberge. Ensemble ils posent les premiers jalons de la négociation. Dubois file comme l’éclair jusqu’à Paris informer le Régent qui le renvoie auprès des Anglais. Après plusieurs allées et venues de l’envoyé secret, une triple alliance est signée entre la France, l’Angleterre et la Hollande. Rendue publique le 4 janvier 1717, elle surprend l’opinion française. M. le Régent est satisfait, son pouvoir et son prestige en sortent raffermis. Les concessions accordées par la France sont peu de chose en considération de la promesse de paix, les Anglais ayant seulement exigé la destruction de Dunkerque et la promesse de ne plus accueillir les Stuarts.
Dubois exulte. Il a réussi une mission hérissée de difficultés. Son maître l’a félicité etStanhope aussi. « Votre voyage a sauvé bien du sang humain et il y a bien des peuples qui nous auront obligation de leur tranquillité sans s’en douter 8 », lui a dit l’Anglais. À son retour à Paris, Dubois a reçu du Régent l’abbaye de Saint-Riquier qui lui rapportera 25 000 livres de revenus annuels et le prince l’a introduit dans le Conseil des affaires étrangères. Ces messieurs de la vieille cour que Dubois déteste n’ont plus qu’à bien se tenir, car l’abbé a plus d’un tour dans son sac. Et, surtout, il a de nouveaux projets qui répondent à son grand dessein d’une Europe pacifiée. Dubois pense aussi aux affaires intérieures qui restent préoccupantes. Il est persuadé qu’il saurait les mener de front avec la politique étrangère.
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