Le temps des illusions
magnifique mausolée !
Ici la superstition
Distinguant jusqu’à la poussière,
Fait un point de religion
D’en couvrir une ombre légère !
Ombre illustre ! console-toi !
En tous lieux, la terre est égale,
Et lorsque la Parque fatale
Nous fait subir sa triste loi,
Peu nous importe où notre cendre
Doive reposer pour attendre
Ce temps où tous les préjugés
Seront à la fin abrogés !
Ces lieux cessent d’être profanes
En contenant d’illustres mânes.
Son tombeau sera respecté ;
S’il n’est pas souvent fréquenté
Par les diseurs de patenôtres,
Sans doute, il le sera par d’autres,
Dont l’hommage plus naturel
Rendra ton mérite plus immortel !
Scènes étranges au cimetière de Saint-Médard
Une véritable folie mystique s’est emparée du peuple parisien. Depuis plusieurs mois, une foule de fidèles se rend sur la tombe du diacreParis au cimetière de l’église Saint-Médard où auraient eu lieu plusieurs guérisons miraculeuses. L’enclos de cette paroisse située dans un faubourg déshérité de la ville est devenu le lieu de pèlerinage le plus fréquenté de la capitale, envahi jour et nuit par une foule très excitée. Des hommes et de femmes se couchent sur ou sous la pierre tombale qui est posée sur quatre hauts supports de marbre, et invoquent l’âme du défunt afin de les délivrer desmaux dont ils sont accablés. Le premier miracle se serait produit le jour même des obsèques de celui qu’on appelle désormais « le bienheureux Paris », le 3 mai 1727. Il s’agissait d’une veuve de soixante-deux ans paralysée d’un bras depuis vingt-cinq ans qui avait retrouvé soudain l’usage de ce membre parce qu’elle avait touché le cercueil du défunt.
François Paris n’était pas un inconnu dans la paroisse de Saint-Médard. Fils d’un conseiller au parlement de Paris, il étonnait aussi bien les prêtres que les fidèles qui l’approchaient par la vie érémitique qu’il menait. Licencié en droit, il avait voulu entrer dans les ordres contre la volonté paternelle. Ordonné sous-diacre en 1718 et diacre en 1720, il se jugeait indigne d’accéder à la prêtrise. Obsédé par l’austérité, il soutint les démarches des appelants, mais refusant de se mêler aux querelles séculières, il se retira dans une cabane de planches grossièrement assemblées dans une cour de la rue des Bourguignons, au milieu des pauvres. Il y menait l’existence de ces ermites des temps les plus reculés, se nourrissant de brouets répugnants, portant un cilice, ne se lavant jamais, marchant pieds nus l’été comme l’hiver et recherchant toutes les mortifications imaginables. Épuisé par ce régime, il avait été pris de convulsions pendant le carême de 1724 et il avait fallu l’intervention d’un supérieur hiérarchique pour l’obliger à s’installer dans un domicile plus décent et à se nourrir davantage. Cependant, trois ans plus tard, il tomba dans un état de faiblesse tel qu’il mourut en quelques jours après avoir fait une profession de foi janséniste dépourvue de la moindre ambiguïté. Il avait trente-sept ans.
Après ses obsèques qui attirèrent un monde incroyable, la foule partagea ses misérables effets comme des reliques. Cet homme simple de cœur et d’esprit, rongé de scrupules, est devenu en quelques semaines le saint des jansénistes. La réputation de thaumaturge qu’il s’est acquise depuis la guérison de cette femme le jour de son enterrement attire ainsi tous les boiteux, bossus, paralytiques, épileptiques, et autres déshérités qui implorent son intercession pour recouvrer la santé. Et les miracle s se multiplient. Au mois de juin 1728, Mgr deNoailles, très troublé par ces étranges manifestations, avait demandé à l’abbéThomassin de faire une enquête. Ce prêtre lui communiqua un rapport secret dans lequel il constatait cinq cas de guérison, mais Mgr de Noailles mourutsans avoir pris parti sur ce sujet. Le 13 août 1731, vingt-cinq curés de la capitale ont adressé une requête au nouvel archevêque afin qu’il se prononçât. Après mûres réflexions, Mgr deVintimille dénonça les cas de guérison qui lui avaient été soumis et fit fermer la maison du diacre qui continuait d’être un lieu de pèlerinage. Il adressa en outre une sévère mise en garde aux curés. Il déclarait que le diacrePâris était mort schismatique ; de ce fait il défendait qu’on l’honorât comme un saint et
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