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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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supprimer sa pension s’il continuait à se laisser aller à de telles indécences. On ne peut cependant pas accuser M. deFolard d’être un simulateur.
    On a été obligé de noter aussi un contre- miracle . En plein mois d’août 1731, une vilaine femme de soixante ans contrefaisant la boiteuse est venue se mettre sur la tombe pour se divertir. Au bout d’un quart d’heure, elle se mit à pousser des cris affreux et demanda pardon à Dieu ; sa bouche se retourna : elle était paralysée du côté droit. La foule s’émerveilla, mais les médecins demandèrent qu’elle fût transportée à l’Hôtel-Dieu. Un grand concours de peuple suivit le brancard jusqu’à l’hôpital. Aussitôt arrivée, elle réclama un confesseur et avoua qu’elle était allé à Saint-Médard par dérision, mais sur la tombe, elle avait été saisie d’un engourdissement de tout le côté droit. Le prêtre exigea d’elle une déclaration devant notaire, ce qui fut aussitôt fait et l’acte fut contresigné par vingt-six personnes.
    Un commerce lucratif s’est développé autour de Saint-Médard. Malgré les interdictions de l’archevêque, on vend sous le manteau des portraits du diacre Paris ; trois ouvrages racontant sa vie, imprimés clandestinement, se répandent parmi ses fidèles. Quelques petits malins vendent des sachets de terre du cimetière et des fioles remplies d’eau du puits de la maison du feudiacre. Les cabarets des environs font des affaires d’or. Les convulsionnaires viennent y boire chopine pour reprendre des forces après les séances d’extase ; les curieux et les exempts ont remarqué que leurs propos sont bien éloignés de la spiritualité.
    Cependant, les miraculés ne sont pas tous des simulateurs, comme semblent le croire les inspecteurs de police. La plupart des malades témoignent d’une foi profonde : ils ne demandent pas seulement le soulagement de leurs maux corporels, mais aussi l’élévation de leur âme ; ils veulent être touchés par la grâce qui leur permettra de supporter leurs infirmités. La plupart d’entre eux, désespérant de la médecine, s’abandonnent à l’unique Sauveur, Dieu lui-même, par l’intercession du bienheureux Paris. Curieusement, les convulsions sont apparues juste après que Mgr deVintimille eut dénoncé les cas de guérison comme pour prouver l’action divine sur les corps souffrants. Certains théologiens jansénistes voient dans ces manifestations le signe annonciateur d’événements importants. Les spasmes s’accompagnent souvent de discours hostiles à la bulle et ces théologiens les interprètent comme le symbole des persécutions de la véritable Église et l’endurance des convulsionnaires comme la préfiguration du triomphe de la vérité.
    Tous ces désordres inquiètent l’archevêque deParis et lelieutenant de police, qui se sont tous deux adressés au cardinal deFleury. Une décision a été prise : le 29 janvier 1732, à quatre heures du matin, le guet à cheval était dans le faubourg Saint-Marcel et à chaque corps de garde du faubourg, vingt soldats avaient leurs armes chargées. Aux premières lueurs du jour, le cimetière a été fermé en vertu d’une ordonnance royale qui traite de superstition abusant la crédulité populaire les scènes qui s’y sont déroulées. Dès le lendemain, on pouvait lire sur une affiche collée sur le mur sous l’ordonnance royale ces deux vers sortis de la plume d’un esprit facétieux :
    De par le roi, défense à Dieu
    De faire miracle en ce lieu.

    Le diable au corps
    Alors que les miracles de Saint-Médard alimentent la chronique parisienne, une affaire récemment portée devant le parlement d’Aix suscite aussi beaucoup d’émotion et de commentaires. Le public suit attentivement cette histoire mettant en cause un jésuite et l’une de ses pénitentes. Il sera sans doute impossible de découvrir la vérité, mais l’intérêt de ce fait divers retentissant réside surtout dans l’interprétation qu’on en donnera dans le climat de crise religieuse déchirant le royaume.
    Au mois de janvier 1731, un long article des Nouvelles ecclésiastiques a révélé les troublantes relations de CatherineCadière avec son confesseur, le révérend pèreGirard de la Compagnie de Jésus. Recteur du séminaire royal des aumôniers de la Marine, ce prêtre dont les sermons étaient écoutés avec ferveur par ses ouailles aixoises est arrivé à Toulon en 1728. Son charisme attira vers

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