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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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pendit sur ses gonds de cuir. L'un d'entre eux se détacha et heurta Lord Henry quand il essaya d'entrer dans la pièce. Sanglier insista pour passer le premier.

    — Monseigneur, c'est votre demeure, certes, mais cette chambre est le logis d'un envoyé français accrédité.
    On poussa la porte et on la fixa. Puis ils pénétrèrent dans la pièce, meublée avec autant de goût que le reste du manoir. Une lampe à huile brillait sur la table. Au moment où Sanglier s'empressait de contourner la cathèdre placée devant la fenêtre, Kathryn aperçut une tête et un bras qui pendait. Sanglier cria qu'on lui apporte la lampe.
    Kathryn se précipita.
    Delacroix était mort. Son visage était blême, ses yeux avaient roulé dans leurs orbites, sa tête penchait de côté, son corps était affaissé, un bras sur la poitrine, l'autre par-dessus la chaire. La jeune femme ramassa la coupe de vin sur le sol et la huma.
    —
    Morelle, annonça-t-elle.
    Bien qu'elle portât sa plus belle robe, elle s'accroupit pour renifler le vin répandu sur le parquet ciré. C'était la même odeur que dans la coupe. Elle se releva et se dirigea vers une table latérale sur laquelle était posé le pichet, mais, comme le déclara Cavignac qui se tenait à côté, il n'était pas pollué. Près du pichet, Kathryn remarqua un petit sac ouvert. Elle le prit et en versa le contenu dans sa main sans tenir compte des protestations de Sanglier, qui rappelait que le Français était un émissaire officiel. Kathryn n'en avait cure : un homme avait été empoisonné. Elle renifla avec attention : l'odeur était amère et âcre.
    —
    Est-ce du poison ? demanda Colum en s'approchant.
    Sa femme fit un geste de dénégation.

    —
    Non, non, répondit-elle en recommençant son examen.
    Elle déposa quelques grains sur le bout de son doigt et les goûta avec prudence.
    —
    Non, ce n'est rien de plus dangereux que de la valériane.
    —
    Delacroix l'appréciait, intervint Cavignac. Il en prenait toujours pour se détendre ou dormir.
    —
    C'est chose courante, admit la jeune femme.
    Lord Henry arpentait la chambre à grands pas. Il avait tiré sa dague comme s'il s'était attendu qu'un assaillant caché bondisse de derrière la tapisserie ou soit tapi dans un coin. Sanglier, debout devant la cathèdre, contemplait le corps. Kathryn le rejoignit.
    Elle tâta la joue du trépassé ; elle était glacée. Elle appuya ses doigts et nota que les muscles du visage avaient commencé à se rigidifier.
    Delacroix portait encore les habits qu'il avait quand elle l'avait aperçu dans la grand-salle.
    —
    Il est mort depuis plusieurs heures, dit-elle, le corps est froid et se raidit déjà. Je dirais au moins trois ou quatre heures. Le vin était empoisonné.
    —
    C'est impossible ! s'insurgea Lord Henry. On vous a servi à tous du vin venant du même pichet.
    Il se tourna vers Sanglier.
    —
    Messire, vous y étiez ; Delacroix a emporté son gobelet.
    Kathryn écoutait la querelle et regardait la figure du trépassé. Vivant, il avait des traits durs qui, à présent, avaient pris un aspect cireux et livide. Les yeux étaient mi-clos, les lèvres étirées et figées dans le rictus final de la mort. Elle déposa la coupe de vin empoisonné sur la petite table près de la cathèdre.
    Elle frappa des mains et les deux hommes s'interrompirent.
    —
    Messires, peut-être vaudrait-il mieux continuer notre conversation en bas.
    Les Français acceptèrent à contrecœur. Sanglier poussa les hauts cris parce qu'un envoyé officiel avait été empoisonné dans la maison de Lord Henry, mais ce dernier n'en voulut rien savoir. Il se déclara innocent et ajouta que ni lui ni quiconque à Walmer n'était responsable de la mort de Delacroix.
    —
    Cela, gronda Sanglier en quittant la chambre, reste à prouver.
    Avant même d'arriver au solar, Lord Henry et Sanglier s'abreuvaient d'accusations et de contre-accusations. Kathryn prit alors conscience de la profonde et durable inimitié qui existait entre ces deux hommes, qui dissimulaient leur hostilité derrière une étiquette courtoise et le protocole diplomatique. Ce fut Murtagh qui, frappant la table de sa coupe, parvint à rétablir un semblant d'ordre.
    —
    Messires ! Ce n'est pas ainsi que nous avancerons.
    Cavignac murmura son accord à voix basse. Lord Henry prit une profonde inspiration, s'assit dans sa chaire et ferma les yeux. Sanglier s'apprêtait à boire mais il se ravisa et reposa la chope sur la table avec une

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