Le temps des poisons
ont pris part au trépas de William ? s'enquit Kathryn. Vous n'aviez pas de preuve.
—
William était un clerc, un espion de talent. Il n'aurait risqué sa vie que pour un prix très, très élevé, et qui est mieux placé qu'un clerc de haut rang au service de l'Aragne de France ?
Lord Henry eut un mince sourire.
—
Avez-vous occis Delacroix ? interrogea la jeune femme.
Son interlocuteur leva la main.
—
Non, Maîtresse Swinbrooke, je le jure sur l'Évangile. Bien que j'en aie eu grande envie.
Kathryn écarta les doigts et contempla sa splendide bague de fiançailles. Elle avait l'impression d'approcher de la vérité.
L'hypothèse qu'elle avait élaborée quant au décès de Lady Mary se fondait sur la logique, sur le fait évident que seul Lord Henry, poussé par le remords et par le besoin d'expier, avait pu rédiger la missive.
L'affaire de William Marshall lui paraissait plus compliquée à résoudre, pourtant elle devait reconnaître que l'arrivée des Français n'avait rien à voir avec un traité de paix ou une trêve mais s'expliquait par une vengeance personnelle. Après tout, cela concordait avec le caractère de Lord Henry, ce jeune seigneur yorkiste qui, des années auparavant, s'était jeté sur Walmer pour capturer et pendre une bande de naufrageurs. Kathryn prit une profonde inspiration et s'aperçut qu'une abeille bourdonnait contre la fenêtre. Colum, silencieux, était assis à ses côtés. Leur hôte avait ouvert le registre relié de cuir comme s'il s'intéressait à une notation. Il releva soudain la tête et croisa le regard de Kathryn.
—
Je sais ce que vous pensez, murmura-t-il. Que je suis un homme qui obéit à la loi du sang : œil pour œil, dent pour dent, vie pour vie. Il est vrai que si j'avais la certitude que Sanglier a occis William, je lui couperais avec plaisir la tête et la ficherais au bout d'une pique, mais je ne sais rien, si ce n'est que le prêcheur est sorti en pleine nuit, suivi par le vicomte.
—
Le jeu de la devinette ? demanda Colum. Au sujet du livre des codes, si les Français ont tué Marshall, ils ont sans nul doute appris qu'il ne portait ni recueil ni manuscrit ?
Lord Henry claqua de la langue.
—
C'est ainsi que vous le savez, n'est-ce pas ? renchérit Kathryn.
La question de Colum avait résolu une des difficultés.
—- Si William Marshall avait été tué par ordre du roi de France, lui et les hommes à sa solde ne pourraient ignorer qu'il n'avait pas ce livre.
Ils auraient taxé de mensonges les histoires prétendant que mon clerc était chargé d'un objet précieux et ne seraient onc tombés dans ce piège, chuchota Lord Henry.
—
Ce qui signifie, avança Murtagh, que Marshall a été assassiné par quelqu'un agissant en son nom propre, quelqu'un qui n'a pas osé dire la vérité à son royal maître.
—
J'en suis d'accord, répondit Lord Henry. Il y a maintes possibilités.
Il repoussa sa chaire.
—
Cavignac et Delacroix, pour des raisons qui leur appartiennent, ont-ils attiré William par ruse pour l'occire ? Était-ce Sanglier, ses deux clercs, ou l'un d'entre eux ?
—
Nous devrions fouiller leurs chambres, suggéra Kathryn en se levant et en se dirigeant vers la fenêtre. Je suis certaine, Monseigneur, que parmi leurs biens nous découvririons un indice, Dieu seul sait lequel.
Lord Henry s'approcha d'elle.
—
Mais vous ne le pouvez. Ce sont des diplomates, des envoyés, ils argueraient de leurs privilèges et exigeraient des réparations.
—
C'est ce qu'ils feront de toute façon, remarqua Colum en riant. Ils vont prétendre que Delacroix a péri par notre faute.
—
Assassiné ! déclara Kathryn.
Elle regarda un valet qui courait dans l'allée du jardin.
—
Ils diront que nous l'avons tué. Que va-t-il se passer ?
—
La dépouille de Delacroix sera conduite à Saint- Swithun. Le père Clement est déjà venu la bénir. Ils ne peuvent la ramener en France.
Dans quelques jours, elle se décomposera. Ils devront donc l'enterrer ici et, une fois achevé le processus de corruption, le cercueil sera transporté en France. Le père Clement a accepté de chanter un requiem ce soir, bien que la loi canon l'interdise. Nous fouillerons par conséquent leurs appartements à ce moment-là.
On frappa à la porte et un serviteur entra en hâte.
—
Monseigneur, on a apporté un message du village. Un nouvel empoisonnement ! On a retrouvé Simon le bedeau raide mort dans le cimetière.
Le dépositoire de
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