Le Testament Des Templiers
l’extrémité en silex glisser parfaitement entre les côtes et s’enfoncer profondément. Il s’en souvenait comme si c’était hier, bien que cela se soit produit il y a très longtemps.
Tandis qu’il sentait la fourrure de l’animal se hérisser entre ses doigts, brusquement, dans un éclair de lumière aveuglante comme s’il avait regardé le soleil en face, le souvenir de son voyage lui revint. Il se mit à frissonner.
Il volait au-dessus d’une harde de bisons, suffisamment près pour pouvoir tendre la main et toucher l’épaule puissante et musclée d’une des bêtes. Il éprouvait, comme toujours, l’exaltation due à ce vol sans effort, l’honneur de se déplacer avec la harde, de se trouver au milieu des bêtes. Grisé, il étendit les bras au maximum et déploya ses doigts dans le vent.
Alors, il prit conscience de quelque chose d’insolite, une présence étrangère qui se rapprochait de lui. Il planait toujours seul, mais quelqu’un ou quelque chose avait fait irruption dans son royaume. Il tourna la tête et le vit.
Une longue silhouette élancée qui fondait sur lui, comme un faucon sur une proie.
Elle avait la tête d’un lion, mais le corps d’un homme. Ses bras, repliés sous son corps, lui permettaient de fendre l’air comme une lance. Une lance qui se dirigeait tout droit vers lui.
Il battit des bras pour prendre de la vitesse, mais il lui fut impossible d’aller plus vite. Le troupeau de bisons se divisa, une moitié se portant vers la droite, l’autre moitié vers la gauche. Il aurait voulu tourner pour les suivre, mais il était incapable de changer de direction. Il volait seul, bas, et les hautes herbes de la plaine chatouillaient son corps nu. L’homme-lion se rapprochait de plus en plus. Il le voyait ouvrir sa bouche et rugir, et il imagina la sensation de sa salive chaude contre sa propre chair, juste avant que ses griffes ne s’enfoncent dans sa jambe.
Les falaises approchaient, avec la rivière au-delà.
Il ne savait pas pourquoi, mais il croyait que s’il traversait la rivière, il serait à l’abri. Il devait parvenir sur l’autre rive.
L’homme-lion fonçait sur lui. Sa bouche était ouverte, sa mâchoire près de se refermer.
Il arrivait aux falaises.
La rivière était là, couleur argent dans le soleil.
Il sentit une goutte de salive chaude sur sa cheville.
Et il se retrouva dans la grotte.
Que signifiait cette expérience ? Les ancêtres lui adressaient un avertissement, cela ne faisait aucun doute. Il devrait rester sur ses gardes, mais c’était pourtant toujours le cas. C’était sa responsabilité en tant que chef du clan des bisons. Il devait protéger son peuple. Mais qui le protégerait, lui ?
Il tendit la main vers Uboas, mais ses doigts ne réussirent qu’à toucher sa peau de bison. L’honneur de la mise à mort de ce bison était revenu au fils du fils de Tal, Mem. Ce jeune homme exceptionnel, prénommé Tala en l’honneur de son grand-père, ressemblait plus à Tal que Mem ne lui avait jamais ressemblé.
Tala s’intéressait aux plantes et aux soins, savait tailler rapidement les silex, et manifestait le même talent que Tal pour saisir la puissance et la majesté d’un cheval au galop d’un trait fluide de charbon de bois et de graphite. Tal avait toujours aimé le garçon comme son deuxième fils, car, hélas, son véritable deuxième fils, Kek, était parti chasser un jour tout seul comme il aimait le faire pour prouver son courage à son père. Il était constamment en colère et frustré, sujet à des accès de dépit contre son frère aîné et même son père, n’acceptant pas sa place de fils cadet. Il n’était jamais revenu. Ils l’avaient cherché en vain. Là encore, c’était il y a longtemps.
Dans le calme de la grotte et au plus profond de la nuit, Tal aurait voulu dormir d’un sommeil opaque, un sommeil sans rêves. Un voyage dans le néant pour lui permettre de trouver un répit à ses peurs et à ses appréhensions aurait été un cadeau, mais il ne parvenait pas à se laisser aller. Bientôt, il devrait partir et épargner sa fureur à Uboas.
Il essaya de penser à des choses heureuses, la fierté que lui procurait son fils, Mem, son amour pour son petit-fils, la certitude que le clan des bisons serait en de bonnes mains grâce à sa descendance. Mais soudain, d’anciennes pensées envahirent son esprit, des pensées sombres qui commençaient à lui obscurcir l’esprit, le signe
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