Le Testament Des Templiers
avant-coureur de la colère de Tal.
Il en avait pris conscience de façon inopinée, à la façon dont un homme se glisse sur un renne en train de boire dans une mare.
Un jour, des années plus tôt, il s’était aperçu qu’Uboas vieillissait et pas lui. Au début, il n’en tint pas compte, mais avec le temps la chevelure de sa compagne se stria de blanc, et sa peau, autrefois lisse comme un œuf d’oiseau, se rida. Ses seins jadis fermes commencèrent à s’affaisser. Elle se mit à marcher en boitant et à ménager ses genoux, qu’elle prit l’habitude de frictionner avec un onguent que Tala préparait pour elle.
Et son fils, Mem, avançait en âge lui aussi. Au fil des saisons et des années, Mem ressemblait davantage à son frère qu’à son fils, et, à présent, il avait même l’air plus âgé. Il se disait qu’avec le temps Tala et lui finiraient par paraître le même âge.
En fait, tout son peuple vieillissait sous ses yeux. Les plus âgés mouraient, les jeunes prenaient de l’âge, des enfants naissaient. Le cycle de la vie se perpétuait pour tous, sauf pour lui.
On aurait dit que la rivière du temps s’était arrêtée pour Tal alors qu’elle continuait à s’écouler pour tous les autres.
Les anciens du clan commentaient ce mystère entre eux et les hommes plus jeunes parlaient de lui à la chasse. Les femmes chuchotaient quand elles étaient réunies pour coudre des peaux, découper une carcasse ou écailler du poisson.
Tal était un chef à nul autre comparable. Il était aimé pour sa force et ses capacités, pour la protection qu’il assurait au clan. Il était craint pour le pouvoir qu’il détenait sur le temps.
Uboas était devenue triste et renfermée. Elle était l’épouse du chef, mais avec les années, en perdant sa fertilité, elle avait perdu de son prestige. Et puis, elle était devenue de plus en plus décrépite. Des femmes plus jeunes, libres, considéraient le corps musclé de Tal avec concupiscence et elle s’imaginait qu’il risquait de prendre le large et de coucher avec elles.
Mais personne n’était plus perturbé que Mem. C’était son destin de devenir le chef, et il avait hâte que cela arrive. Il avait toujours aimé et vénéré Tal, mais, avec le temps, il s’était transformé en rival. À présent, il paraissait plus âgé que son propre père, et il pensait qu’il allait mourir le premier et qu’il ne serait jamais le chef du clan.
Père et fils se parlaient rarement. Un mot de temps en temps, un grognement. Tal comptait sur son petit-fils pour lui témoigner de l’affection filiale, et c’était Tala qui accompagnait Tal quand il allait peindre dans la grotte sacrée. Dans sa jeunesse, il avait été l’élu, celui qui avait été choisi pour peindre aux côtés de son père, et c’était lui l’auteur de la première des nombreuses empreintes de main qui avait tellement enchanté Tal. À présent, l’honneur en revenait à Tala. Mais au lieu d’en être fier, il était jaloux.
Quand le temps était venu du passage à l’âge adulte, on conduisait à la grotte les garçons du clan des bisons. Ils recevaient le bol d’eau magique, et dès qu’ils pouvaient tenir debout, Tal les emmenait au plus profond de la grotte pour rendre hommage aux créatures qui méritaient leur respect.
Le bison, d’abord, leur proche de cœur, leur frère.
Le cheval, que sa rapidité et son adresse rendaient impossible à conquérir.
Le mammouth, qui faisait gronder le sol, pouvait éradiquer n’importe quel ennemi d’un petit coup de ses défenses et ne craignait rien, surtout pas l’homme.
L’ours et le lion, les seigneurs de la nuit, qui risquaient plus de tuer un homme que d’être tués.
Tal ne peignait jamais le renne. Bien qu’en abondance aux alentours, c’était un animal stupide et facile à chasser, peu digne de son respect. C’était de la nourriture, rien de plus. Il ne respectait pas non plus les humbles créatures de la terre, la souris, le campagnol, la chauve-souris, le poisson, le castor. Ils étaient là pour être mangés, pas pour être honorés.
Tal prenait régulièrement sa part d’eau magique, jusqu’à cinq ou six fois à chaque cycle de la lune. Planer lui donnait de la sagesse. Cela lui faisait du bien. Cela lui apportait du plaisir. Et avec le temps, une conclusion s’était imposée à lui : cela lui permettait sans aucun doute de rester vigoureux et jeune alors que les autres vieillissaient. Il
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