Le Testament Des Templiers
sa vie, cela lui allait parfaitement maintenant qu’il avait vieilli. De même, son bureau au ministère, à la décoration faussement désinvolte avec son accumulation de pièces antiques et d’objets d’art préclassique empruntés aux réserves du Louvre, affichait une mise en scène extravagante qui semblait de moins en moins ridicule à mesure qu’il avançait en âge.
Barbier lui parut posé et sérieux. Il prit Luc par l’épaule et le guida jusqu’à son bar plein de dorures. Luc se détendit en constatant qu’ils allaient être seuls.
« Vous pensiez que j’allais demander à Marc Abenheim de venir nous rejoindre ? demanda Barbier.
– Ç’aurait pu être le cas.
– J’ai trop de respect pour vous pour jouer au politicien. Il ne sait même pas que vous êtes ici.
– J’ai besoin de votre aide, dit Luc.
– Je ferai tout ce que je peux.
– Rendez-moi ma grotte. »
Barbier sirota une gorgée de sherry, et observa attentivement une impressionnante urne étrusque dans le coin comme s’il comptait sur ses guerriers armés de lances pour lui donner de la force.
« Ça, malheureusement, je ne peux pas. »
À cet instant, Luc sut qu’il avait perdu. Bien qu’attristé, Barbier paraissait fermement résolu. Mais il ne pouvait pas simplement renoncer, finir son verre et s’en aller. Il fallait qu’il se batte.
« Maurice, je ne peux pas imaginer que vous croyiez à cette idiotie, que ce qui s’est passé pendant les fouilles traduit un manquement au devoir ou une absence de direction !
– Je veux que vous sachiez que je ne crois pas ça.
– Alors pourquoi ?
– Nous sommes ici face à un problème de perception contre une réalité. L’image de Ruac a été abîmée avant même que nous puissions connaître les faits. Il n’y aura pas un seul article de magazine ou de journal qui ne mentionnera pas les morts. La Toile va déborder de messages imbéciles concernant la “malédiction de Ruac”. Les événements malheureux éclipsent l’importance de la découverte archéologique, et ça m’est très pénible. La ministre elle-même a demandé un rapport sur l’état sanitaire et de sécurité des fouilles, et, à ce propos, vous allez être interrogé par un nombre incalculable d’avocats et de fonctionnaires. Ce que je veux dire, c’est que cette perception a pris le pas sur la réalité. Vous êtes dans une position intenable.
– Je suis certain qu’Abenheim a tout envisagé dans ces lieux, dit Luc avec dégoût.
– Bien sûr, je ne vais pas vous mentir. Mais, croyez-moi ou non, je me suis battu pour vous, jusqu’à ce que les choses soient allées trop loin. Alors oui, j’ai fini par voter en faveur de votre remplacement. Je m’inquiète pour les financements à venir. La grotte a plus d’importance qu’un homme, fût-ce son découvreur.
– Ne confondons pas une tragédie avec une autre. Mon cœur est déjà brisé. Perdre Ruac va me l’arracher. »
Il but encore un peu de sherry, puis reposa brutalement son verre sur la table.
« Je suis désolé. »
Luc se leva et prit son porte-documents.
« Y a-t-il quelque chose à faire pour que vous changiez d’idée ?
– Il faudrait un miracle. »
Luc se retrouva dans sa chambre d’hôtel bien trop tôt pour son goût avant le dîner. Il s’étendit sur son lit et sortit les notes qu’il avait prises pendant la traduction d’Isaak.
Les passages où il était question du thé rouge.
Groseilles à maquereau, tiges d’orge et liseron.
Encore et encore.
Comme un amnésique sortant de son brouillard, il se souvint de la dernière conversation lundi matin avant que sa vie ne bascule. Dans les couloirs de l’hôpital de Nuffield, près du service de radiologie. Fred Prentice. Ils parlaient d’orge et d’une certaine sorte de champignon. Puis l’appel de l’abbé Menaud. Puis l’enfer.
Que Prentice savait-il d’autre sur leurs plantes ?
Le numéro du standard de l’hôpital de Nuffield figurait sur ses fioles d’antibiotiques délivrées sur ordonnance. Il appela et demanda la chambre du docteur Prentice. À en juger par la gravité de ses blessures, il devait être encore hospitalisé.
« Prentice, vous dites ? demanda le standardiste de l’hôpital.
– Oui, le docteur Fred Prentice.
– Je peux vous demander si vous êtes de la famille ? »
Il mentit.
« Oui, son beau-frère. »
Après une longue attente, le téléphone sonna à nouveau. Une femme se
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