Le Testament Des Templiers
méprisés par les gens extérieurs à leur groupe. Quand un animal est blessé, les autres prédateurs entrent en action. Avec les années, les Templiers finirent par être blessés. Ils avaient connu des revers militaires en Terre sainte. Jérusalem était perdue. Ils se réfugièrent à Chypre, leur dernière place forte au Moyen-Orient. Puis Chypre fut perdue à son tour. Leur prestige diminua. Alors, certains seigneurs, de puissants adversaires, se préparèrent pour la mise à mort.
Philippe le Bel, roi de France, nourrissait une haine de longue date contre l’ordre des Templiers, depuis que, jeune homme, ils avaient refusé sa candidature. Il avait également accumulé de très importantes dettes envers l’ordre qu’il n’avait aucune intention de rembourser. Le roi attaqua.
L’Église reprochait aux Templiers de l’ignorer et de s’adresser directement à Dieu. Le pape passa à l’offensive.
Les Templiers furent accusés simultanément par le roi Philippe et le pape Clément V de toutes sortes d’abominations. Ils furent accusés de renier le Christ, de commettre des crimes rituels et même d’adorer une idole, une tête barbue nommée Baphomet. Des actes furent rédigés, des soldats mis sur le pied de guerre.
Le piège se refermait.
Au cours de l’année 1307, pendant le mois d’octobre, les hommes du roi lancèrent une attaque coordonnée massive. C’était le vendredi 13, une date qui resterait désormais signe de mauvais présage.
À Paris, le grand maître du Temple, Jacques de Molay, et soixante de ses chevaliers furent tous emprisonnés. En France et en Europe, des milliers de Templiers et leurs acolytes furent rassemblés et arrêtés. S’ensuivirent alors tortures et confessions extorquées. Où cachaient-ils leur immense trésor ? Où était leur flotte précédemment ancrée à La Rochelle ?
À Ruac, ils frappèrent à midi, juste au moment où les moines sortaient en rang de l’église après la prière de sexte. Un groupe de soldats dirigé par un petit capitaine pugnace à l’haleine fétide du nom de Guyard de Charney franchit les portes et rassembla tous les frères.
« Ceci est une maison de Templiers ! brailla-t-il. Par ordre du roi et du pape Clément, tous les chevaliers de l’ordre se rendront à nous, et tout leur argent et leurs trésors sont confisqués par la présente. »
L’abbé, un homme de haute taille avec une barbe taillée en pointe, déclara : « Bon monsieur, ceci n’est pas une maison du Temple. Comme vous le savez bien, nous sommes une humble abbaye cistercienne.
– Bernard de Clairvaux a fondé cette maison ! glapit le capitaine. C’est par sa main ignominieuse que les Templiers ont été créés. Tout le monde sait bien que, au cours des années, elle a servi de refuge aux chevaliers et à leurs sympathisants. »
Du dernier rang des moines, une voix se fit entendre. « Sa main ignominieuse ? Avez-vous dit que Bernard, notre saint révéré, avait une main ignominieuse ? »
Barthomieu voulut rattraper Nivard par sa robe pour l’empêcher d’avancer, mais c’était trop tard.
« Qui a parlé ? cria le capitaine.
– C’est moi. »
Nivard s’avança fièrement. Barthomieu, d’instinct, aurait préféré rester discret, mais il jugea préférable de suivre son frère.
Le capitaine vit deux moines âgés devant lui. Il désigna Nivard du doigt.
« Vous ?
– Je vous ordonne de retirer votre déclaration infamante à propos de saint Bernard, dit Nivard d’une voix ferme.
– Qui êtes-vous pour me donner des ordres, vieil homme ?
– Je suis Nivard de Fontaines, chevalier templier, défenseur de Jérusalem.
– Chevalier templier ! s’exclama le capitaine. Vous ressemblez plutôt à mon grand-père sourd ! »
À ces mots, les hommes du roi éclatèrent de rire.
Nivard se raidit. Barthomieu vit son visage se durcir sous l’effet de la colère. Il était impuissant à empêcher ce qui allait arriver, exactement comme il avait toujours été incapable d’empêcher l’obstiné Nivard de n’en faire qu’à sa tête au cours de sa longue vie pleine de péripéties. Barthomieu s’était toujours contenté de vivre au sein de l’abbaye, tandis que Nivard, aventurier infatigable, disparaissait régulièrement pour d’interminables périodes de temps avec des provisions de l’envoûtante boisson dans ses bagages.
Nivard s’approcha lentement, jusqu’à sentir la puanteur des dents avariées du
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