Le Testament Des Templiers
l’histoire de la grotte et du thé d’initiation pour que d’autres la trouvent. Ou non. Ce serait à Dieu de trancher.
Pour le cas où il tomberait entre les mains des inquisiteurs, il dissimulerait le texte au moyen d’un code d’une intelligence diabolique que Jean l’infirmier avait imaginé des années auparavant pour mettre ses recettes d’herboriste à l’abri des yeux indiscrets. Si son manuscrit était trouvé par des hommes que Dieu jugerait dignes de découvrir sa signification, alors Il les éclairerait et leurs yeux perceraient le voile codé. Barthomieu serait mort et enterré, son œuvre accomplie.
Il se mit donc au travail.
À la lumière du soleil et à la lueur vacillante de la chandelle, il rédigea son manuscrit.
Il parla de Bernard.
Il parla de Nivard.
Il parla d’Abélard et d’Héloïse.
Il parla de la grotte, de Jean, de leur merveilleux breuvage, des Templiers, d’une longue, longue vie au service de Dieu.
Et quand il eut terminé, que ses véritables mots eurent été dissimulés derrière le code de Jean, il déploya ses talents d’artiste et d’enlumineur pour illustrer le manuscrit avec les plantes qui jouaient un rôle important dans le récit et dans ces peintures qui, dans un lointain passé, avaient attiré l’attention de deux moines frêles s’adonnant à un exercice salutaire le long des falaises de Ruac.
Et pour rafraîchir sa mémoire défaillante, Barthomieu rendit une dernière visite à la grotte. Il y alla seul, tôt un matin, une bonne torche à la main et le cœur palpitant d’émotion. Il n’y était pas allé depuis plus d’une centaine d’années, mais le chemin était toujours aussi clair dans son esprit, et l’entrée béante de la grotte sembla l’accueillir comme un vieil ami.
Il passa une heure à l’intérieur et quand il en sortit, il se reposa sur la saillie et profita une dernière fois de la vue sur la vallée verdoyante qui s’étendait à l’infini. Puis il entama lentement son voyage de retour vers l’abbaye.
De retour à sa table de travail, Barthomieu reproduisit de mémoire les extraordinaires peintures rupestres et termina les illustrations avec une simple carte montrant au pèlerin comment il pourrait trouver la grotte secrète. Le livre était prêt à être relié. Il se mit à l’ouvrage, le cœur débordant d’amour pour ses frères, et surtout Bernard. Il y avait un certain morceau de cuir rouge conservé sur une étagère dans le scriptorium, l’endroit où les moines recopiaient les manuscrits, auquel il n’avait jamais trouvé d’emploi suffisamment noble ; c’était l’occasion. Pendant plusieurs jours, il se consacra à relier le livre. Sur la couverture, il grava au poinçon la silhouette de saint Bernard, son cher frère, en pied, avec son auréole céleste flottant au-dessus de sa belle tête.
Le livre avait un bel aspect. Barthomieu n’était pourtant pas tout à fait satisfait. Il lui manquait une dernière touche qui en aurait fait un travail véritablement digne de son sujet. Sous son matelas, il y avait une petite boîte en argent héritée de sa famille, un des rares beaux objets qui n’avaient pas été pillés en ce jour d’octobre de fraîche date.
Il la fondit sur un feu brûlant et demanda à frère Michel de venir le seconder.
Dans une modeste abbaye comme Ruac, les moines acquéraient souvent par nécessité plus d’un savoir-faire. Pendant son long apprentissage auprès de Jean l’infirmier, il avait aussi appris les secrets du métal avec le forgeron, et il s’entendait désormais à travailler l’argent. Barthomieu lui montra le manuscrit en cuir rouge et lui demanda de l’embellir de son mieux avec ses précieux petits morceaux d’argent. Il le laissa entre les mains de Michel, sans savoir que, des années plus tôt, le vieux Jean avait enseigné à son assistant sa méthode de codage. Parfaitement confiant, Barthomieu avait écrit les mots-clés, NIVARD , HÉLOÏSE et TEMPLIERS , sur un parchemin glissé entre les pages.
Quelques jours plus tard, Michel lui rendit le livre avec des coins et des bordures en argent, cinq bosses sur chaque côté de la couverture et des fermoirs doubles. Barthomieu était très satisfait. Il serra Michel contre lui et l’embrassa chaleureusement pour son superbe travail. Conscient que Michel se montrait toujours curieux des affaires des autres moines, il lui demanda pourquoi il ne s’était pas renseigné sur la nature du manuscrit.
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