Le Testament Des Templiers
avait été déterminé par la mort de son frère. Son père s’affaiblissait de jour en jour, et l’existence même du clan des bisons dépendait de sa capacité à endosser ce rôle et à les conduire dans l’avenir.
Son insistance à essayer le breuvage rouge donnait lieu à de terribles discussions. Tal avait protesté en disant que le petit Gos avait été incité à boire le liquide par leurs ancêtres pour ouvrir une nouvelle voie pour le clan. Un vaste plan se mettait en place sous leurs yeux. D’abord, le père de Tal était tombé malade et était resté affaibli par son accident. Puis Nago avait été tué par le bison sacré. Puis Gos avait bu le puissant liquide que Tal avait préparé pour guérir Nago.
Ces événements n’étaient pas sans rapport les uns avec les autres.
Tal prétendait qu’il devait profiter des enseignements de l’eau magique. À la mort de son père, il devrait faire preuve d’audace en tant que nouveau chef.
Les anciens étaient d’un avis différent. Si Tal était perdu pour eux, que deviendrait le clan ? Le risque était trop grand. Le monde était dangereux. Le Peuple de l’Ombre attendait, tapi dans les bois.
À la fin, le père de Tal prit sa décision, peut-être sa dernière décision importante. Son corps était faible, mais sa tête était forte.
Tal pouvait se lancer dans sa quête.
La première fois que Tal but l’eau magique, Uboas lui dit qu’elle resterait éveillée à ses côtés jusqu’à ce qu’il revienne. Au plus profond de la nuit, elle lui caressa les cheveux, essaya de répondre à ses sons gutturaux et humecta ses lèvres sèches avec ses doigts trempés dans l’eau.
Quand il revint enfin vers elle, dans l’aube bleuissante, les yeux d’Uboas furent les premiers yeux humains qu’il vit.
Il tendit la main pour toucher son visage, et elle lui demanda où il était allé et ce qu’il avait vu.
Et voilà ce qu’il lui dit.
Il avait senti son corps se transformer. Ses mains étaient devenues des serres, puis son visage s’était allongé pour former un bec dur. En agitant les bras, il avait décollé sans peine, avait effectué quelques passages au-dessus du feu, tout en regardant en bas son propre peuple. Il avait décrit d’abord des cercles prudents, en s’habituant à se pencher et à tourner. Le vent sifflant et le voyage sans effort l’avaient rendu euphorique et avaient fait chanter son cœur. Était-il le premier de son clan à connaître une telle expérience, le premier homme ?
Au loin, il vit des chevaux noirs qui broutaient dans la savane, et il vola dans leur direction, séduit par leur grâce et leur puissance. Il descendit en piqué au-dessus de leur large dos ondulant, les obligeant à galoper et à écumer. Il vola parmi eux, à l’unisson, à leur vitesse. Bien sûr, il avait vu des chevaux auparavant. Il s’était approché d’eux en silence, leur avait transpercé le flanc, en faisant couler leur sang. Il avait mangé leur chair, porté leur peau. Mais il ne les avait jamais vraiment vus avant. Pas comme ça.
Leurs immenses yeux marron étaient clairs comme des flaques sur des pierres sombres après une pluie d’orage. Il n’y avait aucune peur dans ces yeux, simplement une force de vie supérieure à toutes les autres. Il vit sa propre image dans ces globes bruns, les épaules et les bras d’un homme, la tête d’un faucon. Et puis il dépassa son reflet et plongea jusque dans le cœur de la bête. Il sentit sa liberté et son abandon sauvage. Il sentit sa force vitale, sa détermination à survivre.
Il éprouva une excitation dans son bas-ventre et baissa les yeux. Il avait une énorme érection. Il était prêt à l’accouplement. Il était plus vivant que jamais.
Il cambra le cou et s’éleva plus haut, laissant les chevaux derrière lui. Quelque chose attira son regard perçant de vautour. À l’horizon. Une masse sombre. En déplacement.
Il se pencha et profita du vent pour traverser la rivière bouillonnante, en direction de la vaste plaine.
Des bisons.
Une énorme harde compacte, la plus importante qu’il ait jamais vue. Elle faisait gronder la terre sous sa course puissante. Allaient-ils l’admettre parmi eux ?
Il baissa la tête et plongea jusqu’au ras du sol, les suivit, les rattrapa. Des croupes et des queues, à perte de vue. Ses oreilles résonnaient du bruit de leurs sabots.
Puis ils se divisèrent.
Ils le laissaient venir au milieu d’eux.
Des bisons à droite,
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