Le Testament Des Templiers
sa mère se rende bien compte de ce qu’il voyait.
Tal avait travaillé sans relâche pour aménager cet endroit. Avec la bénédiction de son père, il avait pris Uboas pour femme, et tous les deux avaient trouvé un mode de vie plaisant. Quand il ne chassait pas, ne pêchait pas ou ne réglait pas les différends entre des membres du clan, il préparait de l’eau magique et montait jusqu’à la grotte avec elle. Il buvait alors l’âcre liquide rouge, passait la nuit perdu dans son monde de rêve, et, lorsqu’il revenait auprès d’elle, plein de force et de virilité, le bas-ventre douloureux, il se couchait avec sa femme sur la peau de bison de son père déployée sur le sol de la grotte. Puis il lançait ses hanches en avant jusqu’à ce qu’ils soient tous les deux épuisés. Après avoir dormi un peu, il enrageait pendant un moment comme un animal sauvage, jusqu’à ce que son corps se soit détendu, exténué par ses efforts démoniaques.
Alors, il redevenait lui-même, purifié, et il se mettait à peindre.
S’inspirant de son passe-temps d’enfant quand il mélangeait des pigments provenant de pierres et de terres de couleur écrasées, il avait préparé des peintures d’une densité remarquable. À force d’essais, il avait réussi à les faire adhérer aux parois froides et humides.
Il ne se contentait pas de dessiner la silhouette des animaux comme les gens l’avaient fait dans le passé. Il les voyait en couleurs, et c’était ainsi qu’il voulait les reproduire. Il choisissait ses endroits à la lumière de ses lampes, lesquelles étaient une invention de sa part. Il avait mis à profit son talent de sculpteur de pierre pour fabriquer à partir du calcaire une lampe creuse en forme de louche ; dans le bol, il avait placé des morceaux de graisse d’ours mélangés avec des brindilles de genièvre qui, une fois allumées, donnaient une flamme jaune qui se consumait lentement. Et Uboas tenait le bol pour l’éclairer pendant qu’il travaillait.
Il prenait également en compte la configuration du mur. Si une bosse évoquait la croupe d’un cheval, il y dessinait la croupe. Si un trou évoquait l’œil d’une créature, c’est là qu’il plaçait l’œil. Et il aimait faire jouer la lumière de la lampe sur la surface de pierre. Il adorait l’impression de mouvement qu’il pouvait obtenir avec la lumière et les ombres.
Il dessinait les contours des animaux avec de la graisse et du charbon de bois, ou un morceau de manganèse, mais son souhait de reproduire les véritables couleurs des bêtes l’amena à inventer des façons d’appliquer ocres et argiles sur les murs pour qu’ils en épousent fidèlement la surface. Quand le simple fait d’étaler les pigments à la main ne lui permit plus d’obtenir l’effet recherché, il imagina une solution radicale, persuadé, grâce à ses rêves, que sa mission était d’insuffler la vie sur les parois de cette grotte.
Insuffler la vie.
Uboas essaya de l’en empêcher la première fois qu’il tenta l’expérience, pensant qu’il était fou. Dans un bol de pierre, il mélangea les ocres et les argiles et ajouta de l’eau et de la salive pour en faire une pâte, puis l’enfourna dans sa bouche. Il mâcha et mâcha, la faisant passer d’une joue à l’autre, et quand il sentit qu’elle avait atteint une bonne consistance, il serra les lèvres, se plaça à une courte distance du mur et cracha la couleur en produisant un brouillard de fines gouttelettes, se servant de sa main comme d’un pochoir pour dessiner le contour de ses silhouettes. Pour donner à la robe de l’animal de la texture et du corps, il eut l’idée de souffler la peinture par un trou ménagé dans du cuir pour concentrer le jet afin de former des pois. C’était un travail lent et laborieux, mais il était heureux, même le jour où Uboas se moqua de sa langue rouge, et, une autre fois, de ses lèvres noires.
Les gens du clan chuchotaient entre eux tandis que Tal les conduisait de peinture en peinture, de mur en mur. Les animaux de Tal avaient toute la vitalité et les couleurs des animaux qu’ils connaissaient si bien. Les chevaux étaient noirs et en pointillés, le bison, recouvert de noir, rouge et marron, le taureau géant, noir comme la nuit.
Il leva la lampe de sa main gauche, toucha son cœur fier de la droite, et annonça que c’était seulement le début d’un long voyage pour le clan des bisons. La grotte était vaste, d’une
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