Le Testament Des Templiers
et de mammouths laineux. Les garçons regardaient avec avidité et, à voir le feu dans leur regard, Tal savait qu’ils volaient aux côtés des créatures, suffisamment près pour sentir la chaleur de leurs corps, pour ne faire plus qu’un avec elles. La grotte disparaissait, les murs disparaissaient, les garçons passaient à travers comme un homme traversant une cascade. Et plus tard, quand leurs visions les poussaient à la colère, les garçons hurlaient et se battaient pendant un moment, mais les anciens veillaient toujours à ce qu’ils ne se fassent pas de mal.
Uboas donna naissance à deux enfants, deux fils, mais malgré le désir de Tal d’avoir une grande progéniture, elle devint stérile. Aucune prière à ses ancêtres ne réussit à la rendre fertile à nouveau. Pourtant, ses deux fils survécurent au-delà du premier âge et devinrent des enfants forts et en bonne santé. Il n’y eut pas, dans la vie de Tal, de moment de fierté plus intense que lorsqu’il initia ses deux fils à l’âge adulte et les emmena dans la grotte pour la première fois. Son fils aîné Mem était sans aucun doute son préféré, et il transmit ses enseignements au garçon comme une femme régale un nouveau-né de son lait. Le garçon deviendrait un chaman, ce serait le prochain chef du clan.
Mem apprenait facilement et il se révéla un peintre presque aussi talentueux que son père. Ils travaillaient de concert, crachant leur peinture pour réaliser de magnifiques créatures. Jour après jour, mois après mois, salle après salle, père et fils construisaient des plateformes en branchages et en plantes grimpantes pour atteindre le haut des murs et les plafonds.
Un jour, peu après le début de son apprentissage, le garçon fit une erreur. Il était en train de cracher de l’ocre rouge contre sa main étendue, se servant de l’angle entre son pouce et son poignet pour former la courbe douce de la patte arrière d’un cerf. Sa plateforme en bois ayant bougé, il fut distrait et, au lieu d’envoyer la peinture sur le mur, la plus grande partie atterrit sur le dos de sa main, la recouvrant de rouge orange. Quand il éloigna sa main de la paroi, il restait un pochoir parfait de sa paume et de ses doigts écartés. Le garçon fit la grimace, attendant la réprimande de son père, mais, au contraire, Tal se montra enchanté. Il trouva que l’impression de la main était quelque chose de magnifique et il s’essaya aussitôt lui-même à cette technique.
Après l’impression d’une main, il y en eut deux et, bientôt, la grotte allait en être pleine, comme autant de symboles joyeux de l’homme et de la fierté d’un père pour son fils.
Et bien des années plus tard, après que Tal eut découvert les cristaux de malachite et eut appris à les moudre pour obtenir un pigment vert, Mem et son autre fils se joignirent à leur père dans la dernière salle. Ils rampèrent par un étroit tunnel naturel jusqu’à cette partie spéciale de la grotte que Tal avait longtemps considérée comme son sanctuaire, un endroit sacro-saint, où ils reproduiraient les plantes qui le faisaient planer et entrer en contact avec le monde des esprits.
Et parmi les plantes, Tal lui-même peignit l’homme-oiseau grandeur nature, représentant son esprit en train de voler, son autre lui-même.
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M ARDI
L uc appela Sara une fois, deux fois, trois fois, puis il chercha à la joindre à peu près toutes les heures. Il bombarda son téléphone portable de messages. Après avoir obtenu des renseignements son numéro personnel à Londres, il essaya là également. Il appela son bureau. À force de laisser des messages, il finit par raccrocher en entendant le signal.
Il avait retrouvé son appartement à Bordeaux, un studio de célibataire impeccable dans un grand immeuble à deux pas du campus. Mais il était perturbé et avait du mal à garder la tête hors de l’eau.
Colère. Frustration. Douleur. Désir.
Luc n’était pas du genre à se laisser dominer par les sentiments, mais il ne pouvait pas faire non plus comme s’ils n’existaient pas. Ils lui tordaient l’estomac, le poussant à donner des coups dans les meubles, à hurler dans son oreiller, à ravaler ses larmes.
Il préférait éviter de répondre au téléphone. S’il ne reconnaissait pas le numéro, il laissait sonner dans le vide. Des journalistes, parmi lesquels Gérard Girot du Monde , le harcelaient, mais il avait reçu des consignes strictes de la part du
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