Le Testament Des Templiers
longueur dépassant l’imagination, plus sombre et plus froide que nulle part ailleurs dans le monde. Il leur dit que c’était l’offrande que les ancêtres et le monde des esprits lui faisaient. Et, en tant que chef, c’était son cadeau à eux pour qu’il devienne leur sanctuaire. Il continuerait à peindre tous les principaux animaux aussi longtemps qu’il serait en vie. Et il enseignerait aux jeunes gens à le faire. À partir de maintenant, leur passage à l’âge adulte aurait lieu dans la grotte. Les garçons boiraient l’eau magique afin d’apprendre à errer librement parmi les créatures de la terre et recevoir leur enseignement. Il leur montrerait comment peindre ce qu’ils voyaient. Ce serait l’endroit le plus sacré du monde, et il appartiendrait exclusivement au clan des bisons.
Les anciens manifestèrent leur approbation d’un signe de tête et tout le peuple acquiesça. Qu’on ne s’y trompe pas, ils avaient aimé le père de Tal, mais son fils était un chef comme aucun autre dans la longue histoire du clan.
Tal et Uboas partirent les derniers. Juste au moment où il allait éteindre la lampe avec une poignée de poussière, Uboas chercha dans le sac qui pendait à sa ceinture en crin de cheval et en tira quelque chose. Elle le lui donna. C’était une petite statue de bison qu’elle avait sculptée dans la corne en ivoire de l’animal qui avait tué son frère. Il la tint debout dans sa paume et approcha la lampe pour l’examiner. Puis il posa sa grande main sur le sommet de la tête d’Uboas et la laissa là tendrement jusqu’à ce qu’elle se mette à rire et lui dise que les gens âgés risquaient de tomber de la falaise si on ne les aidait pas.
Le clan s’était dispersé au bord en attendant la sortie de Tal. Le plein soleil lui fit cligner les yeux, et il dut patienter quelques instants pour recouvrer la vue. Soudain, Gos, le petit garçon, désigna quelque chose en direction de la vallée, bien au-delà de la rivière. Tal regarda les formes en mouvement, grosses comme des fourmis, mais des bipèdes sans aucun doute. Une tribu se déplaçait à travers la savane, traquant une harde de rennes qui ne semblait pas s’être aperçue de sa présence.
Les minuscules silhouettes au loin durent voir ou sentir quelque chose, car l’une d’elles dirigeait sa lance vers le haut, en direction des falaises. D’après ce que Tal put distinguer, bientôt tous les hommes de la tribu, soit une bonne dizaine d’individus, se mirent à pointer leurs armes et à sauter comme des puces. Bien que trop loin pour qu’on puisse les entendre, ils devaient crier, car les rennes s’enfuirent, puis eux aussi regagnèrent en courant la forêt verte.
Un des jeunes hommes du clan des bisons, un chasseur au sang chaud arrivant tout juste après Tal pour son habileté au maniement de la lance, déclara qu’il fallait engager le combat. Les rennes appartenaient au clan qui devait éloigner les intrus, une bonne fois pour toutes.
Tal acquiesça et leur dit qu’ils n’étaient pas assez près pour entamer la moindre action. Mais dans son cœur, il préférait les ignorer. C’était un jour heureux d’engagement spirituel. Il y aurait d’autres jours pour s’inquiéter du Peuple de l’Ombre.
De nombreuses années passèrent.
Les jours où il n’était pas en train de chasser, de guérir ou d’aider son clan, Tal était dans sa grotte où il peignait et planait. Et, deux fois par an, avant chaque chasse au bison, il faisait venir les garçons qui avaient atteint leur majorité. Là, dans la lueur jaune de ses lampes au genièvre, le clan se rassemblait dans la salle de la Chasse au bison, avec la fresque mystique de Tal couvrant deux murs, où un homme-oiseau se tenait le bec ouvert, au milieu d’une harde de bisons en train de charger, tandis que la bête choisie était abattue par une lance et que ses entrailles se répandaient. Les garçons chantaient une prière aux ancêtres. Ils adressaient leur supplique de leurs voix haut perchées, et le clan, dans le rôle des ancêtres, leur répondait d’une voix basse, lointaine.
Tal donnait alors à boire aux garçons une bonne dose d’eau magique, et le clan restait à les surveiller en psalmodiant jusqu’à ce qu’ils soient capables de se relever et de suivre Tal, comme dans une transe, dans les profondeurs de la grotte, en passant devant les représentations fantastiques et hautes en couleur de lions, d’ours, de cerfs
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